LIVRE DE LA GEnESE

Les Récits sur Abraham, Isaac et Jacob sont-ils authentiques ?

Dans cet article, nous explorons les anciennes tablettes de Nuzi, découvertes il y a environ un siècle en Irak, entre les deux guerres mondiales, à une époque où il était encore possible d’entreprendre des recherches archéologiques dans cette région. Le site archéologique de Nuzi se situe à environ 240 km au nord de Bagdad.

Lors des fouilles dirigées par Edward Chiera, de l’Université de Pennsylvanie, des milliers de tablettes cunéiformes ont été mises au jour. Ces précieuses inscriptions nous offrent un éclairage unique sur les sociétés du Proche-Orient ancien et, en particulier, sur le contexte historique et culturel dans lequel ont vécu les patriarches bibliques. Elles constituent une véritable fenêtre sur le deuxième millénaire avant notre ère, révélant des aspects méconnus de la vie quotidienne, des structures sociales et des pratiques juridiques de cette époque.

L’étude des tablettes de Nuzi ne remet nullement en question la suffisance de la Bible, mais elle permet d’enrichir notre compréhension du récit biblique. La Bible, en tant que texte sacré, présente une narration concise et ciblée, tandis que l’archéologie vient en complément, offrant un contexte plus large et détaillé qui éclaire l’arrière-plan historique et culturel de ses récits.

Cette tablette cunéiforme, rédigée en akkadien, consigne les procédures judiciaires d’un litige foncier. Elle est actuellement conservée au musée de l’Institut oriental de l’Université de Chicago. L’akkadien, langue diplomatique du Proche-Orient ancien, était utilisé dans les échanges officiels entre royaumes et empires. Son écriture, le cunéiforme, servait à transcrire de nombreuses langues et reposait sur un système de signes en forme de coins ou d’entailles ayant une valeur phonétique. Ce mode d’écriture peut être considéré comme un précurseur de l’alphabet.

L’histoire du Proche-Orient ancien révèle une remarquable continuité dans les systèmes juridiques de la région. Bien que certaines variations existent, notamment entre l’âge du Bronze moyen et l’âge du Bronze tardif — comme l’évolution du prix des esclaves en fonction des conditions économiques —, les grands principes des codes législatifs, à l’image du Code d’Hammurabi, se sont maintenus à travers plusieurs générations. Ainsi, même si les tablettes de Nuzi datent de quelques siècles après l’époque d’Abraham, elles offrent un aperçu précieux des pratiques sociales et juridiques en vigueur à l’époque des patriarches, contribuant ainsi à une meilleure compréhension du contexte culturel dans lequel ils évoluaient.

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Les Horiens/Hourrites

Les tablettes de Nuzi mentionnent un groupe de personnes appelées les Hourrites (Hurrians en anglais). Dans la Bible, un groupe relativement énigmatique, connu sous le nom d’Horiens, est mentionné dans Genèse 14:6, 36:20 et Deutéronome 2:12,22. Peu d’informations nous sont données sur eux, et jusqu’à la découverte de preuves archéologiques, leur existence était inconnue en dehors du texte biblique. Grâce aux tablettes de Nuzi, il a été établi que les Hourrites et les Horiens étaient en réalité un seul et même peuple.

Ces découvertes ont apporté un nouvel éclairage sur certains passages de l’Ancien Testament. Les Hourrites étaient reconnus pour leur expertise dans le travail des métaux, une spécialisation qui trouve un écho dans les découvertes archéologiques faites en Édom, où des sites de métallurgie et d’extraction minière ont été mis au jour. À Khirbet En-Nahas, en particulier, un important site d’extraction et de fusion du cuivre a été identifié dans la région d’Édom, précisément là où la Bible situe les Horites. Cette connexion entre les Hourrites et les Horiens renforce notre compréhension de leur rôle dans l’histoire du Proche-Orient ancien.

Au fil du temps, ce peuple s’est intégré à d’autres groupes, notamment ceux identifiés sous les noms de Tiras ou Rosch. Cette fusion a donné naissance au puissant royaume de Mittani, une entité politique dominante de l’âge du Bronze tardif (1500 – 1300 av. J.-C.), qui était devenu l’un des principaux rivaux de l’Égypte dans la lutte pour le contrôle du Levant.

Le contenu des tablettes de Nuzi

L’un des aspects majeurs que nous retrouvons dans les tablettes de Nuzi, en lien avec le livre de la Genèse, concerne les coutumes patriarcales. Lorsque nous abordons les récits de la Genèse avec une perspective occidentale moderne, certains éléments peuvent sembler déroutants, voire choquants, car nous ne partageons plus le même cadre culturel.

Par exemple, dans Genèse 20:1-2, Abraham et Isaac présentent leurs épouses comme leurs sœurs, une pratique qui semble étrange à première vue. De même, certains mariages incluaient l’offre de jeunes esclaves en guise de présents ; ces femmes devenaient alors des concubines ou des épouses secondaires, un usage très éloigné des conceptions modernes du mariage. Par ailleurs, les récits bibliques évoquent les téraphim, de petites idoles domestiques volées par des membres de la famille, entraînant parfois des conflits (comme dans l’épisode de Rachel et Laban en Genèse 31:19).

Tous ces éléments culturels nous paraissent aujourd’hui étrangers et difficilement compréhensibles. Sans connaissance du contexte historique et juridique de l’époque, certains lecteurs modernes sont tentés de considérer ces récits comme des légendes ou des fictions anciennes. Cependant, les tablettes de Nuzi offrent un éclairage crucial sur ces pratiques et confirment leur authenticité historique. Elles nous permettent ainsi de mieux saisir le cadre social et juridique du Proche-Orient ancien, en mettant en évidence des parallèles frappants avec les récits de la Genèse.

Le serviteur pouvant hériter de la propriété de son maître

Genèse 15 : 2-3

« Abram répondit: Seigneur Éternel, que me donneras-tu? Je m’en vais sans enfants; et l’héritier de ma maison, c’est Éliézer de Damas. Et Abram dit: Voici, tu ne m’as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier.« 

Dans ce passage, Éliézer de Damas, bien que serviteur d’Abraham, est considéré comme son héritier provisoire. À cette époque, Abraham et Sarah n’avaient pas encore eu d’enfants, et dans la société ancienne, l’infertilité était généralement attribuée à la femme. Malgré sa richesse considérable, Abraham se trouvait dans une situation où son héritage aurait logiquement été transmis à son serviteur de confiance.

Une pratique confirmée par les tablettes de Nuzi

Ce concept peut nous sembler étrange aujourd’hui, mais les tablettes de Nuzi nous aident à mieux comprendre ce système juridique. Elles révèlent qu’il existait des dispositions permettant à un homme sans descendant d’adopter un serviteur. En contrepartie, ce dernier devait prendre soin de son maître et de son épouse dans leur vieillesse. Si aucun enfant naturel ne naissait, le serviteur devenait alors l’héritier officiel des biens de son maître. Toutefois, si un fils venait à naître, le serviteur était automatiquement déshérité au profit de l’enfant biologique.

Ce cadre légal résonne parfaitement avec le récit de Genèse 15, où Abraham, en l’absence d’un fils, envisage son serviteur Éliézer comme héritier. Cette situation prend fin lorsque Dieu lui promet un fils, Isaac, rendant ainsi Éliézer inéligible à l’héritage.

Grâce aux découvertes archéologiques, nous comprenons que ce passage biblique ne relève pas de l’invention ou du mythe, mais reflète bien une pratique légale attestée dans le Proche-Orient ancien, confirmant ainsi l’authenticité du contexte historique de la Genèse.

Une servante donnée dans le cadre du mariage

Dans les récits bibliques, notamment ceux de Rachel et Léa, nous trouvons des exemples de servantes qui faisaient partie du processus matrimonial. Pour un lecteur occidental moderne, cette pratique peut sembler étrange, voire troublante. Cependant, les tablettes de Nuzi révèlent que cette coutume était bien ancrée dans les usages juridiques et sociaux du Proche-Orient ancien.

Le rôle des servantes dans le mariage

Les textes de Nuzi indiquent qu’une servante pouvait être offerte en dot lors d’un mariage. Cette femme pouvait avoir un rôle particulier : si l’épouse principale était stérile, la servante pouvait enfanter pour le mari, et son enfant était alors considéré comme celui de la femme légitime. Cette disposition garantissait la pérennité de la lignée et la transmission de l’héritage familial.

Ce modèle est illustré dans Genèse 29:24,29, où Laban, le père de Rachel et Léa, offre à chacune de ses filles une servante lors de leur mariage. De fait, plusieurs des douze tribus d’Israël sont issues de ces unions entre Jacob et les servantes de ses épouses.

Genèse 30:3-5

Elle dit [Rachel]: Voici ma servante Bilha; va vers elle; qu’elle enfante sur mes genoux, et que par elle j’aie aussi des fils. Et elle lui donna pour femme Bilha, sa servante; et Jacob alla vers elle. Bilha devint enceinte, et enfanta un fils à Jacob.

De même, nous retrouvons ce principe dans l’histoire de Sarah et Agar.

Genèse 16:1-2

« Saraï, femme d’Abram, ne lui avait point donné d’enfants. Elle avait une servante Égyptienne, nommée Agar. Et Saraï dit à Abram: Voici, l’Éternel m’a rendue stérile; viens, je te prie, vers ma servante; peut-être aurai-je par elle des enfants. Abram écouta la voix de Saraï. »

Dans ce cas, Agar est donnée à Abraham pour concevoir un héritier, Ismaël, selon la coutume de l’époque. Dans ce cadre juridique, Sarah, en tant qu’épouse principale, aurait dû être considérée comme la mère légale de l’enfant.

Le Code d’Hammurabi et les Tablettes de Nuzi : un parallèle frappant

Le Code d’Hammurabi, qui se situe entre la période patriarcale (vers 2000 av. J.-C.) et les tablettes de Nuzi (datées d’environ 1500/1600 av. J.-C.), confirme cette pratique. Le paragraphe 144 du code d’Hammurabi stipule :

« Une épouse hiérodule stérile, qui donne à son mari aristocratique une esclave pour lui donner des enfants, devient leur mère légale, et son mari ne peut pas se remarier ni avoir un fils qui pourrait remplacer le fils adopté. »

Nous voyons ici un parallèle avec l’histoire d’Abraham et Sarah. Cependant, alors que ces coutumes prévoyaient une hiérarchie rigide entre les enfants issus de l’épouse légitime et ceux nés d’une servante, l’histoire biblique prend un tournant différent, car Dieu intervient pour modifier le cours des événements.

La tension dans le récit d’Abraham : entre culture et intervention divine

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