Que penser de l’infaillibilité pontificale?

Le principe de l’infaillibilité pontificale est un dogme défini par le Concile Vatican I en 1870, dans la constitution Pastor Aeternus. Il repose sur une interprétation particulière de l’autorité de Pierre, sa succession dans l’évêque de Rome, et certaines lectures spécifiques des Écritures et de la Tradition.

Définition officielle (Vatican I, 1870)

« Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsqu’il exerce sa charge de pasteur et docteur de tous les chrétiens, définit une doctrine concernant la foi ou les mœurs qui doit être tenue par toute l’Église, jouit, en vertu de l’assistance divine qui lui a été promise dans la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église lorsqu’elle définit la doctrine concernant la foi ou les mœurs. »
(Pastor Aeternus, chap. 4, §9)

Le pape n’est donc pas infaillible en tout temps, mais seulement:

• Quand il parle en tant que pape,
• Sur une question de foi ou de morale,
• Avec l’intention de lier toute l’Église.

Fondements invoqués par l’Église catholique

Matthieu 16:18-19

« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église […]. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux […]. »

Pierre reçoit les « clefs » ce qui est interprété comme autorité doctrinale suprême. Cette autorité serait transmise à ses successeurs (les papes).

Luc 22:32

J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas.

Jésus prie pour la foi de Pierre ce qui est interprété comme garantie divine de fidélité doctrinale.

Jean 21:15–17

Pais mes brebis.

Ce verset est interprété comme mandat pastoral suprême, donné à Pierre, pour toute l’Église.

Enfin l’Église est assistée par le Saint-Esprit (Jean 14:26 ; 16:13). Le pape, comme chef visible, serait préservé de l’erreur lorsqu’il enseigne solennellement, afin de garantir l’unité de la foi.

La doctrine de l’infaillibilité est-elle biblique?

Nous pouvons noter que l’Apôtre Pierre a chuté théologiquement dans Galates 2, soit après la résurrection et le mandat supposé de « Pape » qu’il a reçu (le titre Père n’étant même pas utilisé pour Jésus). Il n’était donc pas infaillible au sens théologique. La prière de Jésus qu’il ne défaillirait pas, montrait qu’il ne trahirait plus Jésus face à la persécution. Les catholiques exagèrent l’objectif de la prière de Jésus.

Mais en fait, la doctrine de l’infaillibilité est incorrecte en ce sens que Pierre lui-même n’a pas obtenu un mandat de pape. Matthieu 18:18 et Jean 20:21-23 montrent que les « clefs » (autorité spirituelle, magistère, discipline) sont données à l’ensemble des apôtres, pas seulement à Pierre. Et en fait tous les croyants sont également appelés à être des « pierres vivantes »(1 Pierre 2:4-6).

Ce constat biblique soutient une ecclésiologie fondée sur l’unité du collège apostolique et met en cause l’idée que Pierre seul ait reçu une autorité doctrinale exclusive transmise aux papes. Cela confirme que l’Église est bâtie sur le fondement des apôtres et prophètes, le Christ lui-même étant la pierre angulaire (Éphésiens 2:20) et non Pierre lui-même. Depuis les Pères de l’église les plus anciens, l’interprétation majeure de Matthieu 16:18-19 était que la pierre n’était pas Pierre lui-même mais sa foi ou le Christ lui-même.

Matthieu 16 est fondamental dans la théologie catholique parce qu’il est la base biblique principale de la primauté de Pierre, et donc du rôle du pape en tant que successeur de Pierre, ayant autorité doctrinale et pouvoir spirituel, notamment dans la rémission des péchés. Le jeu de mots grec Petros/petra est compris par les catholiques comme signifiant que Pierre lui-même est la pierre fondatrice visible de l’Église. L’Église est donc bâtie sur Pierre, qui reçoit un rôle structurel et unique.

Les clefs du Royaume sont interprétées comme symbole de l’autorité spirituelle et doctrinale. Elles seraient en référence à Ésaïe 22:22, où le chef de la maison royale reçoit la clef de David ce qui est vu comme préfiguration du pouvoir donné à Pierre. Par ces clefs, Pierre a le pouvoir d’enseigner, de gouverner, de pardonner au nom du Christ.

Cela signifie, selon le catéchisme catholique, la capacité de prendre des décisions doctrinales et disciplinaires ayant valeur céleste. Cela inclut notamment le pardon des péchés, l’excommunication ou la réintégration et la définition du dogme.

Catéchisme de l’Église catholique (CEC) §553 :
« Le pouvoir des clefs désigne l’autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l’Église. Jésus, le bon Pasteur, a confirmé ce mandat après la Résurrection : ‘Pais mes brebis’ (Jn 21, 15-17). Le pouvoir de lier et de délier signifie le pouvoir d’absoudre les péchés, de prononcer des jugements doctrinaux, et de prendre des décisions disciplinaires dans l’Église. »

Mais en fait Ésaïe 22:22 ne concerne pas Pierre mais Jésus lui-même.

Tradition invoquée par Rome

Certains Pères (Léon Ier, Innocent Ier) ont affirmé que l’Église de Rome ne pouvait faillir. Le principe d’infaillibilité n’est pas explicitement formulé avant le Moyen Âge. Le dogme est formulé tardivement, au XIXᵉ siècle, dans un contexte de crise de l’autorité (modernisme, rationalisme). Nous devrions être prudent de ce genre de dogme:

2 Thessaloniciens 2:1-4

Que personne ne vous séduise d’aucune manière; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu.

Utilisation dans l’histoire

Le pape n’a presque jamais exercé l’infaillibilité ex cathedra:

Déclaration infaillible	Date	Pape	Sujet
Immaculée Conception	1854	Pie IX	Marie conçue sans péché
Assomption de Marie	1950	Pie XII	Marie montée au ciel en corps et âme

Ces deux cas sont marqués par un processus long de consensus préalable, et n’ont pas été « improvisés ».

Objections et critiques (protestantes, orthodoxes, historiques)

L’infaillibilité n’est pas attesté dans l’Église primitive

Aucun Père de l’Église n’enseigne clairement que le pape est infaillible. Des papes se sont d’ailleurs contredits entre eux (Honorius Ier, Libère…).

Le Nouveau Testament montre des corrections entre apôtres

Paul reprend Pierre publiquement (Galates 2:11-14). Les décisions doctrinales majeures (ex : concile de Jérusalem, Actes 15) sont collégiales, non pontificales.

La Tradition orientale rejette ce principe

Les orthodoxes reconnaissent une primauté d’honneur à Rome, mais refusent toute infaillibilité personnelle.

Danger de centralisation absolue

L’infaillibilité peut être perçue comme un obstacle à la collégialité et à la réception par le peuple de Dieu. Certains catholiques progressistes ou théologiens (ex : Hans Küng) ont appelé à revisiter ce dogme.

Les clefs du Royaume des Cieux

Matthieu 18 et Jean 20 montrent que le pouvoir d’enseigner, de lier et délier, et de remettre les péchés — que l’Église catholique rattache aux fameuses « clefs du Royaume des cieux » données à Pierre en Matthieu 16:18-19 — est en réalité étendu à tous les apôtres, et donc partagé. Pierre ne dispose pas des clefs tout seul.

Il y a de bonnes raisons de penser, que comme tous les croyants sont prêtres (Ap 1:6, 5:10), qu’ils ont tous reçu le mandat de faire des disciples à travers le monde (Matthieu 28), et qu’ils sont tous appelés à être des « pierres vivantes » (1 Pierre 2:4-5), qu’ils ont donc tous les mêmes clefs que Pierre. Beaucoup de paroles adressées aux apôtres s’adressaient à nous également.

Matthieu 18:18 – Le même pouvoir est donné à tous les apôtres

En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que *vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.

Ici, le « vous » est au pluriel (humin en grec), s’adressant à l’ensemble des disciples (au moins les Douze). Le pouvoir de lier et délier, c’est-à-dire d’enseigner, d’exclure, de réintégrer, d’absoudre, est clairement collégial. Cela signifie que le pouvoir confié à Pierre est aussi confié, au moins, aux autres apôtres.

Jean 20:21-23 – Le pouvoir de remettre les péchés est donné à tous

Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. (…) Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis…

Ici encore, Jésus s’adresse à tous les apôtres, pas uniquement à Pierre. Le don de l’Esprit, le mandat missionnaire, et le pouvoir de rémission des péchés sont conférés à tous, sans distinction.

Les orthodoxes et les protestants interprètent différemment Matthieu 16:18. La « pierre » est la foi de Pierre, ou le Christ lui-même (dans Esaïe 22:22, il est question du Christ, pas de Pierre). Les clefs sont données à tous les apôtres (cf. Matthieu 18:18 ; Jean 20:23) et la rémission des péchés est collégiale et ecclésiale, pas concentrée dans un seul homme. Aucune succession papale exclusive n’est enseignée dans le NT.

Ainsi, il est intenable d’argumenter bibliquement, un concept aussi important que la doctrine de l’infaillibilité pontificale de l’église catholique, concept entériné seulement en 1870. Le verset de Luc 22:32, quand Jésus prie afin que la foi de Pierre ne défaille pas, concernait Pierre uniquement. Jésus a dit « afin que TA foi ne défaille pas ». Cette prière, prononcée avant la trahison de Pierre, visait à ce que Pierre ne trahisse pas Jésus une deuxième fois post-résurrection. Pierre est effectivement resté fidèle jusqu’au bout. Il faut largement exagérer l’interprétation du verset pour obtenir la doctrine complexe du Pape infaillible uniquement dans certaines circonstances. Cela est très éloigné de la prière de Jésus et représente une construction catholique ultérieure.

Une autre hérésie importante consiste à indiquer que le pardon doit être prononcé par les prêtres et les évêques.

Les Péchés sont-ils pardonnés par les Prêtres et les Évêques… ou par la Foi en Christ seul? – QQLV