De la Retraite par Répartition à l’Avortement – L’Echec d’un Modèle Non Biblique

En 1889, le chancelier protestant Otto von Bismarck a conçu et mis en place pour la première fois dans l’histoire un système de retraite par répartition. Il est également à l’origine de la création d’autres dispositifs de sécurité sociale, tels que l’assurance maladie (1883) et l’assurance accident (1884). Le système par répartition repose sur un modèle de financement dans lequel les cotisations des actifs (travailleurs) servent directement à payer les pensions des retraités, s’appuyant ainsi sur la solidarité intergénérationnelle. En France, ce système a été instauré en 1945 par le Conseil National de la Résistance après la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion du gouvernement provisoire dirigé par le Général de Gaulle.

Quand le système a été mis en place après la Seconde Guerre mondiale, la pyramide des âges était favorable. Beaucoup de jeunes travailleurs finançaient la retraite de peu de retraités. En France dans les années 1960, il y avait 4 cotisants pour 1 retraité. Aujourd’hui, dans la plupart des pays développés, ce ratio est tombé autour de 1,7 cotisant par retraité (et pourrait encore baisser). En 2025 le ratio français est de 1.40 cotisants par retraité. Il faudrait être aux alentours de 2.5 et 3 cotisants par retraité pour avoir un système fonctionnel.

Les conséquences pour la viabilité du modèle sont cuisantes: il y a moins de cotisants donc moins de recettes dans le système et donc un déficit structurel. Pour rétablir l’équilibre, à peu près trois ou quatre solutions sont sur la table :

  • On peut augmenter les cotisations mais c’est une solution socialement difficile car cela réduit le pouvoir d’achat des actifs et alourdit une charge fiscale déjà très lourde en France.
  • On peut réduire le montant des pensions mais c’est une solution impopulaire et difficilement applicable compte tenu du coût élevé de la vie.
  • On peut augmenter l’âge de départ à la retraite, c’est une solution mal acceptée mais elle est la plus couramment retenue dans la plupart des pays développés.
  • On peut passer sur un système par capitalisation où chaque travailleur épargne pour sa propre retraite mais d’autres problèmes apparaissent (vulnérabilité aux crises financières, inégalités sociales accrues, risque de mauvaise gestion, instabilité économique mondiale et la capitalisation nécessite des décennies avant de produire des résultats concrets.)

De nombreux français sont contre l’idée d’un départ à la retraite à 64 ans ou plus. L’argument est que de nombreux travailleurs manuels ne sont plus en état de poursuivre leur carrière de manière décente. Ces derniers « mériteraient » d’aller en retraite et il faudrait laisser la place aux jeunes. C’est là que le bât blesse car il n’y a justement plus beaucoup de jeunes. Il y a comptablement peu de jeunes travailleurs pour payer les pensions de nombreux retraités. Le problème n’est pas tellement moral ou idéologique mais plutôt mathématique.

Inscrivez vous sur QQLV!

Pour soutenir l’effort du ministère et la création de contenus:

Il y a d’autres problèmes découlant du vieillissement démographique comme la pénurie de main d’œuvre, le manque de cotisants pour couvrir un système de santé de plus en plus demandeur, la désertification des zones rurales, l’isolement des personnes âgées etc…

Pour complexifier ce problème mathématique, en France, l’espérance de vie était de 66 ans en 1950 contre 82 ans aujourd’hui. Les gens vivent donc plus longtemps après leur départ à la retraite et cela augmente la durée pendant laquelle ils perçoivent une pension. Le problème est croissant dans de nombreux pays dit développés qui doivent composer avec une très faible natalité et un fort vieillissement démographique.

D’où vient le problème du système par répartition?

On peut considérer les années 1960–1970 comme un tournant historique (mouvement Hippie, Mai 68) où la société occidentale est passée d’un modèle patriarcal, religieux et pro nataliste à une société plus individualiste, séculière et centrée sur la réalisation personnelle.

Avant les années 1960 la famille traditionnelle (mariage + enfants) était la norme sociale. La sexualité était encadrée par des normes religieuses et sociales strictes. La femme était perçue comme devant se consacrer au rôle de mère et de femme au foyer. La contraception et l’avortement étaient soit illégaux, soit très mal vus. Le modèle familial était donc traditionnel et pro-nataliste. Aussi « méchant » qu’ait pu être ce modèle, il permettait de « produire » beaucoup de jeunes et notamment de financer un système de retraite par répartition.

Le modèle biblique pour la société

Dès la Genèse, la procréation est non seulement encouragée, mais elle est perçue comme une bénédiction directe de Dieu« Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et l’assujettissez. »
(Genèse 1:28). La fécondité est donc vue comme une mission confiée par Dieu à l’humanité. L’idée de la procréation comme bénédiction est répétée plusieurs fois. Abraham reçoit la promesse d’une descendance nombreuse :« Je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. » (Genèse 15:5). Les enfants sont décrits comme une récompense divine: « Des fils sont un héritage de l’Éternel, le fruit des entrailles est une récompense. »(Psaume 127:3). Avoir beaucoup d’enfants est donc considéré comme un signe de faveur divine.

La Bible place la famille au cœur du modèle social. Le mariage est présenté comme une institution voulue par Dieu (Genèse 2:24). Les relations sexuelles sont légitimes uniquement dans le cadre du mariage. La procréation est vue comme une conséquence naturelle et souhaitée du mariage. La bénédiction passe souvent par une fécondité abondante :« Si vous obéissez à mes commandements […] je vous bénirai, et vous serez féconds. »(Deutéronome 28:1-4). La fécondité est donc vue comme un devoir collectif qui assure la pérennité du peuple de Dieu.

La montée du divorce, du concubinage et de la monoparentalité a fragilisé la cellule familiale car moins de stabilité conjugale résulte en moins d’enfants. Il y a la crise des familles monoparentales qui implique la précarité économique et sociale. Le modèle biblique de la famille stable aurait préservé la structure familiale.

La Bible sur l’avortement

La Bible ne mentionne pas directement l’avortement comme nous l’entendons aujourd’hui, mais plusieurs passages expriment une forte valorisation de la vie humaine dès la conception. L’idée que Dieu connaît et forme la vie humaine dès la conception est affirmée clairement :

Jérémie est consacré dès sa conception :

« Avant que je t’aie formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu sois sorti de son sein, je t’avais consacré. »
(Jérémie 1:5)

David affirme être formé par Dieu dès le sein maternel :

« C’est toi qui m’as formé dans le sein de ma mère […] je suis une créature merveilleuse. »
(Psaume 139:13-16)

Ces passages montrent que la vie humaine commence dans le sein maternel et donc la vie de l’enfant à naître a une valeur sacrée.

Le sixième commandement stipule clairement :

« Tu ne tueras point. »
(Exode 20:13)

Comme l’enfant dans le ventre est déjà considéré comme une vie humaine formée par Dieu, alors l’avortement raisonne comme une violation de ce commandement (l’acte d’ôter la vie intentionnellement).

La loi mosaïque contient une disposition spécifique sur le fait de causer la perte d’un enfant à naître :

« Si des hommes se battent et heurtent une femme enceinte, de sorte qu’elle accouche sans accident, mais qu’il n’y ait pas de blessure grave, le coupable sera puni d’une amende. Mais s’il y a une blessure grave, tu donneras vie pour vie. »
(Exode 21:22-25)

Ce verset montre que le fœtus est considéré comme une vie humaine ayant une valeur légale et une protection dans la loi.

Dès les premiers siècles du christianisme, les Pères de l’Église (Saint Augustin, Tertullien) ont interprété ces textes dans un sens pro-vie. La vie commence dès la conception, l’avortement est un péché, le corps humain est le « temple de Dieu » donc la vie doit être respectée.

La position catholique, orthodoxe et protestante évangélique est directement issue de cette tradition. L’avortement est une transgression de la loi divine. La contraception artificielle est également rejetée par l’Église catholique traditionnelle. Le rôle de la femme est valorisé dans la maternité.

L’enseignement de Jésus est très clair :

« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. »
(Matthieu 7:12)

Jésus place donc la règle d’or au cœur de la morale chrétienne. Ce que nous reconnaissons comme un bien pour nous-mêmes, nous devons le vouloir pour les autres. Ce que nous n’accepterions pas pour nous-mêmes, nous ne devons pas l’imposer aux autres. Si nous appliquons la règle d’or au contexte de la naissance, plusieurs implications logiques apparaissent.

Si nous sommes heureux d’avoir été créés, alors, selon la règle d’or, nous devons vouloir offrir ce même don de la vie aux générations futures. Le refus de donner la vie peut être vu comme un égoïsme ou une rupture de la chaîne de la vie voulue par Dieu.

Si nous sommes contents d’avoir été conçus et d’être nés, alors, logiquement nous ne voudrions pas qu’on nous ait privés de la vie avant même de naître. Par conséquent, appliquer la règle d’or au contexte de l’avortement reviendrait à dire :

  • Si je suis heureux d’être en vie → je ne devrais pas priver une autre personne (même à l’état embryonnaire) de ce don.
  • Si j’apprécie le cadeau de l’existence → je ne devrais pas refuser ce cadeau à une autre vie potentielle.

Les milieux religieux à l’époque moderne

Dans les sociétés modernes les milieux catholiques traditionnels et protestants évangéliques restent pro natalistes. Le judaïsme orthodoxe et l’islam conservent également une forte pression nataliste. Les mouvements pro-vie sont souvent portés par une vision chrétienne du respect de la vie dès la conception. Les sociétés occidentales sécularisées et fortement athées ont abandonné ce modèle biblique nataliste mais dans les sociétés religieuses (Israël, monde musulman, États-Unis évangéliques), la fécondité reste plus élevée. La sécularisation et la libération sexuelle des années 1960 ont donc rompu avec le modèle biblique traditionnel pro nataliste.

Dans la vision chrétienne la vie est sacrée car elle vient de Dieu (Psaume 139). La procréation n’est pas seulement un droit, mais aussi un devoir envers Dieu et l’humanité. En transmettant la vie, on participe au plan divin. On coopère à l’œuvre créatrice de Dieu et on permet à une nouvelle âme d’exister, de connaître Dieu et de bénéficier du salut.

Conclusion

La situation démographique et économique des pays développés aujourd’hui ressemble à la fable de La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine :

« La cigale ayant chanté tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
« 

Environ 10 à 12 millions d’avortements ont été pratiqués en France depuis 1975 (plus de 200 000 par an). Si théoriquement ces bébés avaient été préservés et qu’environ 9 millions d’entre eux avaient survécu aux maladies, aux accidents et autres et qu’ils avaient eu à leur tour en moyenne 1,8 enfant, il y aurait basiquement eu plus de 25 millions de personnes en plus. Cela représenterait environ 14 à 16 millions d’actifs supplémentaires (en supposant un taux d’activité autour de 60-65%).

On aurait alors 50 à 55 millions d’actifs (au lieu de ~30 millions aujourd’hui) pour 20 millions de retraités. Le ratio actifs/retraités serait d’environ 2,5 à 2,7 (soit un équilibre voire un léger excédent). La pénurie de main d’œuvre dans de nombreux secteurs serait fortement réduite voire inexistante. Les personnes âgées seraient moins isolées, il y aurait moins de désertification rurale etc…

Les pays développés ont, en quelque sorte, vécu comme la cigale en profitant de la prospérité économique d’après-guerre (les Trente Glorieuses), d’une forte croissance démographique (baby-boom), et de systèmes sociaux généreux (retraite à 60 ans, protection sociale, etc.) sans anticiper le vieillissement démographique et la chute du taux de natalité.

Si on ne sème pas (pas assez de naissances), on ne peut pas récolter (financement des retraites). Le sujet de la forme physique des sexagénaires, hélas, n’entre pas en compte. Si on a pas semé et stocké en été, on est dépourvu en hiver, même si c’est malheureux. C’est une réalité mécanique à laquelle on ne peut pas grand chose. D’une certaine manière, la retraite compromise du 21ème siècle, loin d’être injuste, est un retour de bâton logique.

Les politiques modernes et ceux qui ont gouverné depuis une cinquantaine d’années donnent l’impression de naviguer à vue sur beaucoup de dossiers, ils « réagissent » et ne sont pas dans l’anticipation. L’absence des valeurs chrétiennes dans la vie privée comme publique provoquent les affres modernes de nos sociétés.

Si les pays développés avaient suivi une stratégie de « fourmi », ils auraient maintenu un taux de natalité élevé en encourageant la famille (comme en Israël ou dans certains pays scandinaves). Ils auraient peut-être mis en place un système de retraite mixte (répartition + capitalisation) dès les années 1970–1980. Ils auraient élevé de l’âge de départ à la retraite en lien avec l’allongement de l’espérance de vie, ça et peut-être d’autres points.

De manière plus précise, si les sociétés modernes avaient maintenu ce cadre inspiré du modèle biblique, plusieurs des problèmes économiques, sociaux et culturels auraient pu être évités ou réduits.

La Bible propose un modèle de société pro nataliste, pro familial et solidaire. En suivant ce modèle, les sociétés modernes auraient « semé » suffisamment pour éviter la crise actuelle. Mais malheureusement nous en somme au stade où la fourmi dit à la cigale:

Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
– Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
– Vous chantiez ? j’en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.

Inscrivez-vous sur QQLV!

Pour soutenir l’effort du ministère et la création de contenus: