Martin Luther et William Tyndale sur le « sommeil de l’âme »

Le site QQLV présente une vision biblique alternative de la mort, en contradiction avec la croyance populaire selon laquelle l’âme humaine est immortelle et consciente après la mort. Je défend l’idée du “sommeil de l’âme” , une doctrine soutenue par plusieurs Réformateurs protestants, en particulier Martin Luther et William Tyndale, mais aussi fondée sur l’enseignement direct des Écritures.

La croyance populaire: l’âme immortelle

Beaucoup croient que l’âme quitte le corps à la mort pour aller consciemment au ciel ou en enfer. Mais cette idée ne vient pas de la Bible, mais plutôt de la philosophie païenne grecque.

La Bible enseigne la mortalité de l’âme

Plusieurs passages bibliques, en contradiction avec de nombreux autres livres religieux, soutiennent que l’âme est mortelle, et que la mort est comparable à un sommeil inconscient:

  • Ézéchiel 18:4, 20: l’âme qui pèche mourra.
  • Psaume 13:3: “le sommeil de la mort”.
  • Ecclésiaste 9:5, 10: “les morts ne savent rien… il n’y a ni œuvre, ni pensée, ni science dans le séjour des morts.”
  • Daniel 12:2 ; Job 14:12-14 ; 1 Thessaloniciens 4:13-14 : résurrection future après un “sommeil”.

La position de Martin Luther

Le fondateur de la Réforme protestante n’a pas toujours été clair sur le sujet de l’âme mais il avait une intuition que l’idée de l’âme immortelle consciente après la mort était incorrecte. En 1520, il a condamné l’idée de l’âme immortelle comme faisant partie des “monstruosités” des décrets catholiques1.

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En 1522, dans une lettre, il a écrit que les morts “dorment dans une insensibilité totale” jusqu’au Jugement2.

« Il est probable, à mon avis, qu’à très peu d’exceptions près, les morts dorment dans une insensibilité totale jusqu’au jour du jugement… Sur quelle autorité peut-on dire que les âmes des morts ne dorment pas… de la même manière que les vivants passent en sommeil profond l’intervalle entre le moment où ils se couchent le soir et celui où ils se lèvent le matin ? »

Il a commenté l’Ecclésiaste en affirmant que les morts “ne ressentent rien du tout”3.

« Salomon juge que les morts dorment et ne ressentent rien du tout. Car les morts sont là, ne comptant ni les jours ni les années, mais lorsqu’ils seront réveillés, il leur semblera n’avoir dormi qu’une minute à peine. »

Il comparait cet état à un sommeil profond et inconscient, dont Dieu seul pouvait réveiller l’homme4.

« Ainsi, après la mort, l’âme va dans sa chambre et dans sa paix, et pendant qu’elle dort, elle ne se rend pas compte de son sommeil, et Dieu préserve l’âme qui s’éveillera. Dieu est capable de réveiller Élie, Moïse et d’autres… afin qu’ils vivent. Mais comment cela peut-il être ? Cela, nous ne le savons pas ; nous nous contentons de l’exemple du sommeil corporel et de ce que Dieu dit : c’est un sommeil, un repos et une paix. »

Luther rejetait également l’idée catholique du purgatoire, où des âmes conscientes seraient tourmentées temporairement, ce qui motivait une bonne partie de sa théologie sur la mort.

La position de Martin Luther sur l’état des morts et l’âme mortelle est nuancée, mais globalement, il a fortement remis en cause l’idée traditionnelle d’une âme immortelle consciente après la mort. Il n’était probablement pas facile à son époque de ramener cette conception de l’âme à l’ordre du jour. Il y avait déjà tellement de sujets sur lesquels il fallait réformer l’église.

La position de William Tyndale

William Tyndale était prêtre et linguiste anglais, formé à Oxford et Cambridge et admirateur de Luther. Il était déterminé à donner la Bible au peuple en langue vernaculaire.

Je défie le pape et toutes ses lois ; si Dieu me donne vie, je ferai qu’un garçon qui pousse la charrue en sache plus sur l’Écriture que le pape lui-même.

Il a été condamné à mort pour sa traduction non autorisée et étranglée puis brûlé en 1536. Tyndale soutenait que l’âme n’était pas immortelle par nature. Les morts dormaient jusqu’à la résurrection. Il rejetait l’idée que l’âme des justes allaient immédiatement au ciel ou que celle des méchants allaient en enfer après la mort. Cela fait de lui un précurseur clair du conditionnalisme ou du « sommeil de l’âme » (comme chez les adventistes).

À son époque, presque tous (catholiques comme réformateurs) croyaient à l’immortalité de l’âme. Tyndale, influencé par l’Écriture seule, a adopté une lecture radicale et cohérente. Son point de vue a été écarté dans les siècles suivants, mais il anticipait clairement:

  • Les anabaptistes conditionnalistes,
  • Les christadelphiens,
  • Les adventistes du 7e jour,
  • Et même certains théologiens évangéliques modernes.

William Tyndale fut non seulement le père de la Bible anglaise moderne, mais aussi un théologien audacieux. La fin de William Tyndale a été tragique et héroïque à la fois — un martyr de la Bible, mort pour avoir voulu que le peuple puisse lire les Écritures dans sa propre langue.

Au début du XVIe siècle, en Angleterre, traduire la Bible dans une langue vernaculaire était interdit sans autorisation de l’Église. L’Église catholique craignait les interprétations individuelles et la diffusion d’idées hérétiques (comme celles de Wycliffe un siècle plus tôt). Tyndale, influencé par Luther, croyait que la Bible devait être accessible à tous.

Il a fui l’Angleterre vers 1524, et s’est installé aux Pays-Bas (alors plus tolérant). Il y a traduit le Nouveau Testament (publié en 1526), et une grande partie de l’Ancien Testament. Sa Bible est la première traduction anglaise directe du grec et de l’hébreu, et la première imprimée. Ses traductions ont été introduites clandestinement en Angleterre, malgré l’interdiction.

Il a été trahi par un faux ami (Henry Phillips) et a été arrêté à Anvers dans l’actuelle Belgique, alors territoire catholique. Il a été emprisonné plus d’un an dans les geôles du château de Vilvorde (près de Bruxelles) mais il a continué à traduire et écrire, malgré les conditions très dures.

En 1536, après un procès ecclésiastique, Tyndale a été condamné pour hérésie. Ses idées les plus condamnées étaient:

  • Le refus de l’autorité du pape,
  • La justification par la foi seule,
  • La négation du purgatoire,
  • La remise en question de l’âme immortelle.

Tyndale a été étranglé publiquement, puis son corps a été brûlé au bûcher, à Vilvorde, en Flandre. Ses dernières paroles célèbres ont été:

“Seigneur, ouvre les yeux du roi d’Angleterre !”

Sa prière a été exaucée peu après. En 1539, trois ans après sa mort, le roi Henri VIII autorise la “Grande Bible” en anglais dans toutes les églises. Cette traduction dépendait largement du travail de Tyndale (environ 80 à 90 % de sa traduction du Nouveau Testament a été reprise dans la Bible du roi Jacques – KJV de 1611).

William Tyndale est mort en martyr, étranglé et brûlé pour avoir voulu que chaque Anglais puisse lire la Parole de Dieu dans sa langue. L’ironie divine est que son œuvre interdite est devenue la base de toutes les Bibles anglaises modernes.

Dans An Answer to Sir Thomas More’s Dialogue, Tyndale a réfuté l’idée catholique selon laquelle les âmes des morts iraient immédiatement au ciel, en enfer ou au purgatoire.

« Et vous, en plaçant les âmes [des défunts] au ciel, en enfer et au purgatoire, vous détruisez les arguments par lesquels Christ et Paul prouvent la résurrection… Et encore, si les âmes sont au ciel, dites-moi pourquoi elles ne sont pas dans le même état que les anges ? Et alors, quelle raison y a-t-il pour la résurrection ? »

Tyndale disait en substance que si l’âme était déjà dans la gloire céleste, la résurrection n’avait plus de sens. Christ et Paul ont fondé leur enseignement sur la résurrection future des morts, et non sur une immortalité de l’âme déjà accomplie.

Tyndale accusait la théologie catholique de mêler deux choses incompatibles:

« La vraie foi affirme la résurrection… Les philosophes païens, la niant, ont soutenu que les âmes vivaient éternellement. Et le pape unit la doctrine spirituelle du Christ et la doctrine charnelle des philosophes ensemble ; des choses si contraires qu’elles ne peuvent s’accorder, pas plus que l’Esprit et la chair chez un chrétien. Et parce que le pape, tourné vers la chair, consent à la doctrine païenne, il corrompt donc l’Écriture pour l’établir. »

Les philosophes païens (comme Platon) croyaient en une âme immortelle séparée du corps. Le message biblique, pour Tyndale, affirmait la résurrection du corps, non la survie de l’âme. Il accusait l’Église catholique de corrompre les Écritures pour faire coller la Bible à la philosophie grecque.

Thomas More utilisait ce passage où Jésus dit : « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » pour soutenir que les âmes d’Abraham, Isaac et Jacob étaient vivantes au ciel. Mais Tyndale a rétorqué :

« Et lorsqu’il [Thomas More] prouve que les saints sont déjà au ciel dans la gloire avec Christ, disant : ‘Si Dieu est leur Dieu, ils sont au ciel, car il n’est pas le Dieu des morts’ ; là, il détourne l’argument du Christ, par lequel il prouve la résurrection : qu’Abraham et tous les saints doivent ressusciter, et non que leurs âmes étaient au ciel ; doctrine qui n’existait pas encore dans le monde. »

En clair, Tyndale a accusé Thomas More de changer le sens de l’argument de Jésus et de rendre inutile la doctrine de la résurrection. Il se moquait de ceux qui contredisaient Paul car ce dernier disait:

  • « Si les morts ne ressuscitent pas, nous sommes les plus misérables de tous les hommes. » (1 Co 15)
  • « Consolez-vous les uns les autres avec ces paroles… » (1 Th 4) — à savoir : la résurrection au retour du Christ.

Tyndale a écrit:

« Non, Paul, tu es ignorant ; va voir Maître More et apprends une nouvelle voie. Nous ne sommes pas les plus misérables, même si nous ne ressuscitons pas ; car nos âmes vont au ciel dès que nous mourons, et y sont dans une joie aussi grande que celle du Christ ressuscité. »

Tyndale soulignait que si les morts étaient déjà heureux au ciel, Paul aurait dû les consoler avec cette idée – or il ne l’a jamais fait.

Conclusion

On peut ne pas être d’accord avec Luther ou Tyndale sur tous les sujets. Mais ils étaient justes dans leur position sur la mort comme un état d’inconscience, en attente de la résurrection. La Réforme a en grande partie échoué à corriger cette erreur et continue à enseigner l’immortalité de l’âme. Le lecteur devrait revenir au témoignage clair des Écritures, qui décrivent la mort comme un sommeil (prenant fin à la résurrection), et non comme une existence consciente désincarnée: un concept que l’on retrouve dans pratiquement toutes les autres religions du monde, ce qui devrait nous alerter sur l’origine d’une telle doctrine.

  1. Assertion of All the Articles of M. Luther Condemned by the Latest Bull of Leo X, Art. 27, Works of Luther, Weimar ed., Vol. 7.
  2. Cette citation est extraite d’une lettre de Martin Luther à Nicholas Amsdorf datée du 13 janvier 1522, citée dans The Life of Luther par Jules Michelet, traduit par William Hazlitt, 1862, page 133.
  3. Cette citation provient du commentaire de Luther sur le livre de l’Ecclésiaste, publié en 1553, folio 151v.
  4. Cette citation est tirée de l’ouvrage de Luther Interpretation of the First Book of Moses, Volume 1.

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