Que penser du Suaire de Turin en 2025?
En 2022, une équipe italienne dirigée par le Dr Liberato De Caro a utilisé la technique de diffusion des rayons X aux grands angles (WAXS) pour analyser la dégradation de la cellulose du lin du Suaire1. Leurs résultats suggèrent que le tissu pourrait dater du Ier siècle. Cela contesterait les résultats de la datation au carbone 14 de 1988 qui le plaçaient au Moyen Âge et qui avait contribué à faire de ce Suaire un faussaire du moyen-âge, en dépit de ses caractéristiques exceptionnelles. Une autre étude a identifié l’origine du lin utilisé pour le Suaire dans la région du Levant, correspondant à l’actuel Israël et Liban, renforçant ainsi le lien avec la Terre Sainte2.
Par le passé, j’avais écris un article expliquant pourquoi je ne croyais pas que le Linceul de Turin soit authentique. Je vais développer de manière équilibrée et neutre les arguments POUR et Contre l’authenticité du linceul dans cet article. Je ne veux décevoir personne mais je vais expliquer dans ce présent article pourquoi je reste sceptique. Naturellement je reste ouvert aux nouveaux développements, il ne faut pas être rigide et dogmatique mais je suis sceptique sur le fait que l’on puisse réellement prouver qu’il s’agisse du linge utilisé pour couvrir Jésus après son décès, qui se situe en l’an 30.

Arguments POUR son authenticité
Passons en revue les arguments en faveur de son authenticité:
1.Concordance (à priori) avec les Évangiles
L’image du linceul montre un homme crucifié avec des blessures correspondant aux récits de la Passion de Jésus (couronne d’épines, flagellation, plaies aux poignets et aux pieds, blessure au flanc).

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2.Nature particulière de l’image
L’image n’est pas peinte et n’est pas due à un pigment. Les recherches montrent que l’image est très superficielle (elle n’imprègne que la toute première couche de fibres) et que sa formation reste inexpliquée.
3.Découverte de pollen et d’éléments compatibles avec la Palestine
Des analyses palynologiques (étude du pollen) ont trouvé des grains de pollen provenant de plantes présentes en Palestine au 1er siècle.
4.Présence de sang humain
Certaines études affirment avoir identifié du sang humain (groupe AB) sur le tissu.
5.Résultats contestés du carbone 14
La datation au carbone 14 en 1988 plaçait le linceul entre 1260 et 1390, mais plusieurs critiques affirment que l’échantillon analysé provenait d’une zone réparée au Moyen Âge après un incendie de 1532.
6.Absence de technologie connue pour reproduire l’image
Même avec les moyens modernes, il reste difficile de reproduire exactement une image avec les mêmes caractéristiques physiques que celle du linceul.
7.Inversion en négatif
Quand on photographie le linceul en négatif, l’image devient beaucoup plus réaliste et tridimensionnelle, ce qui n’était pas réalisable au Moyen Âge. L’un des aspects les plus fascinants du Linceul est que son image n’a été pleinement comprise qu’avec l’invention de la photographie.

- À l’œil nu, le Linceul montre une silhouette floue, brunâtre, difficile à interpréter.
- En photographie négative (inverser les ombres et la lumière), l’image devient un portrait réaliste en 3D, avec des détails anatomiques précis.
- Exemple : Les taches sombres (sang) deviennent claires, et les zones claires (visage) deviennent sombres.
Comparaison visuelle :
Œil nu | Négatif photographique |
---|---|
Flou, peu détaillé | Visage réaliste, barbe, plaies visibles |
Aucune œuvre d’art médiévale (peinture, tissage) ne présente une image cachée en négatif. Même les artistes de la Renaissance ignoraient ce principe optique. Un faussaire médiéval n’aurait ni la connaissance, ni la technologie pour créer une image qui ne se révèle qu’en négatif. La 3D et les proportions anatomiques exactes (découvertes plus tard) renforcent cette idée.
Certains scientifiques (comme Paolo Di Lazzaro) suggèrent qu’un rayonnement aurait pu imprimer l’image comme une « photo primitive ». L’hypothèse est qu’un flash de lumière ultraviolette ou autre énergie aurait décoloré les fibres en fonction de la distance corps-tissu. On en reparle plus bas.
Argument CONTRE ou nuancé
Les linges funéraires « bibliques » de Jésus
D’après Jean 11:44 et Jean 20:7, plusieurs linges sont utilisés pour enterrer les morts, pas un seul drap. Jésus aurait été enterré avec un linge pour la tête séparé (soudarion) et 75 livres de myrrhe et d’aloès (environ 34 kg) ont été utilisés, or aucune trace de résine collante n’apparaît sur le linceul.
Seules des molécules isolées d’aloès (aloïne) et de myrrhe ont été identifiées (études de Ray Rogers, 2002), mais en quantités trop faibles pour correspondre à 34 kg. Aucune couche visible ou adhérence de gomme-résine (typique des embaumements) n’a été trouvée. Le sang sur le Linceul est sec et non mélangé à des substances embaumantes. Le tissu ne montre pas de rigidité ou de brillance (effets attendus après application de résines en grande quantité).
Hypothèses pour expliquer cette contradiction
A. Un embaumement symbolique (non réalisé)
- La myrrhe et l’aloès auraient été déposés autour du corps (dans le tombeau) sans enduire directement le linceul.
- Argument : Les Évangiles disent que Jésus fut « enveloppé » (ἐντυλίσσω, entylissō) dans le linceul, pas forcément imbibé de résines.
B. Un lavage ultérieur du tissu
- Le Linceul aurait été nettoyé avant sa conservation, effaçant les traces de résines (mais pourquoi le sang reste-t-il intact ?).
C. Une exagération littéraire
- Le chiffre de 34 kg pourrait être une hyperbole (style courant dans les textes antiques pour souligner l’importance du geste).
D. Une incompatibilité avec l’authenticité
- Pour les sceptiques, cette absence est une preuve que le Linceul n’est pas le vrai linceul de Jésus, mais une création médiévale.
Une étude italienne (Salvatore Lorusso) a détecté des nanoparticules d’aloès dans les fibres, mais en quantités négligeables. Pour la Myrrhe, on dit encore que sa composition chimique est volatile avec le temps et qu’elle pourrait avoir disparu après 2000 ans.
Les Évangiles sur les linges funéraires de Jésus:
- Évangile selon Matthieu (27,59) : Joseph prit le corps, l’enveloppa dans un linceul propre.
- Évangile selon Marc (15,46) : Il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans un linceul.
- Évangile selon Luc (23,53) : Il descendit le corps, l’enveloppa dans un drap de lin.
- Évangile selon Jean (19,40 ; 20,5-7) :
Jean est plus détaillé :- Jean 19,40 : Ils prirent le corps de Jésus et l’enveloppèrent de bandelettes (le mot grec utilisé est othonia, souvent traduit par « linges », « bandelettes ») avec des aromates.
- Jean 20,5-7 : Pierre et Jean constatent au tombeau :
- Les linges (othonia) sont là,
- Et le suaire (soudarion en grec) qui avait été sur la tête, non pas avec les linges, mais roulé à part.
Que nous montre le linceul de Turin?
- C’est un seul grand drap de lin mesurant environ 4,4 m x 1,1 m, comportant l’empreinte d’un corps de face et de dos.
- Il n’y a pas de séparation entre un linge pour le corps et un linge pour la tête sur ce drap (tout est d’un seul tenant).
Comparaison et problèmes soulevés:
Point | Évangiles | Linceul de Turin |
---|---|---|
Type de linge | Plusieurs linges : bandelettes pour le corps + un suaire pour la tête (Jean) | Un seul grand drap |
Arrangement | Les linges du corps et celui de la tête sont séparés | Tout est d’un seul tenant |
Nombre | Plusieurs pièces de tissu (othonia + soudarion) | Une seule pièce visible |
Style d’ensevelissement | Évoque plutôt un enroulement du corps (bandelettes) | Recouvrement par un grand drap plié en deux |
Donc, que peut-on dire ? Le linceul de Turin ne correspond pas exactement à la description très précise de Jean (bandelettes + linge séparé pour la tête). Mais ceux qui défendent l’authenticité argumentent que:
- Othonia (linges) peut désigner des morceaux d’un même grand drap déchiré ou replié.
- Soudarion (le suaire de la tête) pourrait avoir été placé par-dessus la tête puis déplacé avant l’observation au tombeau.
- Le terme « bandelettes » pourrait aussi être compris comme « bandeaux de tissu utilisés dans l’ensevelissement », pas nécessairement comme une momification égyptienne.
Cela montre au moins que la compatibilité n’est pas évidente : il faut faire des hypothèses pour que le linceul corresponde au récit évangélique. Le récit de la résurrection de Lazare dans Jean 11 peut aider à comprendre le type de linge utilisé pour les enterrements juifs du Ier siècle, et il offre un point de comparaison direct avec Jean 20, qui décrit la découverte du tombeau vide de Jésus.
« Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit : Déliez-le, et laissez-le aller. » (Jean 11:44)
Lazare était :
- lié aux mains et aux pieds avec des bandelettes (keiriais en grec),
- le visage enveloppé d’un linge distinct (soudarion).
- Il avait besoin d’être délié car son corps était enroulé de tissus.
Le corps de Lazare était entouré de plusieurs linges, comme dans une forme de momification légère. Cela correspond bien à ce qu’on sait des pratiques funéraires juives de l’époque : linge principal, + ligatures, + suaire pour la tête.
« Simon Pierre entra dans le sépulcre ; il vit les linges (othonia) gisant à terre,
et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus (soudarion),
non pas avec les linges, mais plié à part dans un autre lieu. » (Jean 20:6–7)
Terme grec | Sens général | Traduction possible |
---|---|---|
Othonia (ὀθόνια) (Jean 19, 20) | Linges de lin (pluriel) | Draps, bandelettes, tissus |
Keiriai (κείριαι) (Jean 11) | Bandelettes (liens de tissu) | Spécifique aux bandelettes — utilisé pour Lazare |
Soudarion (σουδάριον) (Jean 11, 20) | Mouchoir, suaire de tête | Petit linge facial |
Jésus était donc aussi enseveli avec plusieurs linges, comme Lazare mais dans ce cas, personne n’a eu à aider Jésus à se délier. Les linges étaient abandonnés, comme vidés de leur contenu, le linge de tête lui était roulé à part.
Dans aucun des 4 évangiles, on ne lit qu’un ange ou un humain serait intervenu pour délier Jésus comme Lazare, ou pour retirer les linges, ou qu’il y ait eu une action physique sur son corps au moment de sa résurrection. Au contraire le détail des linges pliés dans un autre endroit laisse entendre un acte conscient, volontaire, soigneux, venant de Jésus lui-même, après la Résurrection. Jésus a été ressuscité dans un corps glorifié, il n’avait pas besoin d’être délié et les linges sont restés en place, comme effondrés. Le linge de tête soigneusement plié à part montre un acte intentionnel et non quelque chose de confus.
Dans les deux cas (Lazare et Jésus), on parle bien de plusieurs linges, ce qui contredit l’idée d’un unique drap comme dans le linceul de Turin, sauf si on admet qu’il faisait partie d’un ensemble et qu’il est le dernier vestige restant.
Modèles d’enveloppement de Jésus
Si Jésus a été enveloppé à la manière d’une momie (c’est-à-dire enroulé dans des linges autour de tout le corps), alors l’image du linceul devrait logiquement inclure :
- les côtés du corps et de la tête,
- et surtout le dessous du corps (dos, jambes, épaules écrasées ou étalées),
- des déformations dues au contour cylindrique du corps.
Mais le linceul de Turin ne montre pas cela. Il montre:
- Une image frontale (face du corps),
- Une image dorsale (dos),
- Pas d’image sur les côtés, ni sur le dessus de la tête, ni sur le dessous du corps,
- L’image est à plat, comme si le drap avait été posé à plat sur un corps allongé, puis replié par-dessus (type “sandwich”).
L’autre modèle est que le linceul n’était pas enroulé comme une momie. Les Évangiles ne parlent pas d’enroulement complet, seulement de « linges », « suaire », etc. Les traditions juives de l’époque utilisaient parfois un grand drap replié, pas forcément une momification complète. Jean 11 (Lazare) parle de liens (bandelettes), mais Jean 20 (Jésus) donne une image plus libre : les linges étaient à terre, non enroulés.
Si le drap était passé sous le corps, puis rabattu sur le dessus, cela expliquerait pourquoi on a les images du dos et du devant, mais pas des côtés. Cela alimente l’idée que l’image n’est pas une simple empreinte physique par contact, mais quelque chose de plus complexe (certaines hypothèses parlent de rayonnement lumineux ou énergétique à émission directionnelle).
Le linceul de Turin montre bel et bien le dos du corps, y compris des marques de flagellation, de sang, de pieds écrasés, etc. mais ce qui n’apparaît pas, ce sont les côtés du corps et les marques dues au poids du corps sur le drap dessous (déformations, pression, fluides écrasés). Les taches de sang sont nettes, sans étalement typique d’un corps pressé contre un tissu (comme si le linceul n’a pas subi de pression mécanique prolongée). L’empreinte est superficielle (seulement 2-3 fibres colorées par fil), comme si l’image s’était formée sans contact direct.
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