Débat amical et contradictoire sur l’historicité de Jésus et les débuts du christianisme en général
Je me permets de reproduire ici le débat que j’ai eu récemment avec un Monsieur (qui m’a demandé de ne pas mettre son nom) sur l’historicité de Jésus et les débuts du christianisme. Je l’appellerai dans cet article, faute d’inspiration, « John ».
John
Bonjour Anthony
Je cherche un débat amical et contradictoire sur l’historicité de Jésus et les débuts du christianisme en général.
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Si un échange vous intéresse….
Cordialement
Anthony
Bonjour John,
N’hésitez pas à partager vos arguments et votre position générale. Je ne suis pas très affûté sur le sujet en ce moment mais je lirai vos arguments (si vous pouvez conserver des textes courts).
Bien cordialement,
John
Merci pour ce retour,
En guise de préambule. J’ai eu une éducation religieuse sous le régime du concordat en Lorraine. A l’adolescence j’ai commencé à trouvé bizarre la contradiction entre mes cours d’histoire qui faisaient l’impasse sur le vrai ou imaginaire Jésus et son implication majeur dans la vie de son temps selon mes cours de religion. J’ai cherché sans parti pris à étudier l’histoire du premier siècle en Palestine et les sources crédibles et là je dois dire que je suis tombé de ma chaise face au quasi silence des sources romaines ou juives.
Depuis j’ai eu des débats avec des croyants très décevants. Je continue donc mes recherches le plus neutre possible. Au début il me fallait plusieurs semaines pour réunir les rares bouquins sérieux, puis vint internet mes recherches se comptaient en heures. Depuis peu L’IA m’apporte toute la connaissance accumulée depuis des siècles en quelques secondes.
Voilà, je tenais à vous préciser mon état d’esprit. Evidement je vous proposerais des sujets de bases précis posés de façon courtes.
La première chose qui me gène chez les chercheurs croyants c’est la formule « La plupart des historiens s’accordent sur l’existence historique de Jésus ». Pour un scientifique consensus ne vaut pas preuve, d’autant que l’argumentaire est très faible puisque tout les textes consultables sont des recopies de textes antiques qui ont été modifiés tardivement par l’église. Comment séparer le « merveilleux et le miraculeux » de « l’historique » alors que le christianisme n’apparait qu’au deuxième siècle les traces archéologiques au troisième et le dogme au quatrième siècle après le concile de Nicée
Voilà déjà de quoi faire pour une première approche non?
Cordialement à vous
Anthony
John, voici mon article sur le sujet :
Je pense qu’après l’avoir lu vous pourrez faire vos remarques et vos contre arguments.
John
Bonjour Anthony,
J’avais bien lu votre analyse voici ma réponse :
Evangile de Mathieu :
- Datation impossible et réécriture avéré.
- Mathieu 10 : Ce sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions suivantes : « N’allez pas vers les non-Juifs et n’entrez pas dans les villes des Samaritains.
Donc il ne s’agit pas de christianisme. Le Jésus de Mathieu est « Nazaréen » une secte juive du premier siècle et il reste dans la religion de l’époque.
- Les textes des évangiles sont des textes de fois remaniés tardivement et n’ont pas de valeurs historique. Les fragments retrouvés dates de la fin du premier siècle et ne prouvent rien. Les courants messianiques juifs existaient pas le christianisme. Jésus était un prénom courant à l’époque et son existence dans des premiers textes juifs messianique qui seront adopté plus tard par les chrétiens n’a rien de surprenant et ne prouvent en tout cas ni les faits ni l’action du Jésus des chrétiens.
Flavius Joseph : le premier texte est un faux reconnu par les historiens chrétiens eux même (le testimuin) L’autre ne est douteux aussi et de plus Flavius Joseph dans son histoire juive cite plusieurs personnes au nom de Jésus. Jésus fils de sapphias, Jésus fils de Gamaliel, Jésus fils de Damné, Jésus fils d’Ananias, Jésus fils de Phabet. Donc le prénom est courant. Pour rendre le personnage « historique » il faut des actions et des faits.
Tacite : Faux ! les chrétiens n’ont pas été nommé en fonction d’un certain Christus. Christ n’est pas un patronyme mais un titre : Prophète messie. L’attente des juifs messianiques refusant l’autorité romaine furent appelés chrétiens (Pline le jeune) pour les distinguer des juifs orthodoxe cela ne prouve aucunement l’existence d’un « Christ ».
Suétone : écrit à Rome au début du deuxième siècle et parle de « Chrestus » c’est un nom d’esclave affranchi nom commun à Rome rien à voir avec Jésus. Probablement même racine latine : Christ : qui a reçu les saintes huiles et Chrestos : Le gras ou le graisseux.
Pline : Exact : Pline parle des adorateurs de Christ donc d’un messie d’un prophète. Les romains appellent chrétien les juifs messianiques mais rien sur Jésus.
Le Talmud : écrit plus de deux siècle après alors que la religion chrétienne existe ne prouve rien. Juif et musulmans reconnaissent Jésus comme prophète.
Conclusion : Christ n’implique pas forcément Jésus c’est une fonction religieuse commune à l’époque, Jésus aussi étaient un prénom courant. Les premiers textes évangéliques indiquent que le courant messianique restait dans la religion juive. Le nombre de courants messianiques est important depuis les esséniens. Un courant ayant pour prophète exorciste et guérisseur un homme s’appelant Jésus n’a rien de surnaturel. Enfin aucun historien direct ne parle (à l’époque) ni des miracles ni des prêches, ni de l’entrée triomphale à Jérusalem ni du procès ni de la crucifixion.
Cordialement à vous
Anthony
John, gardons votre réponse comme base de la discussion. Compte tenu du temps que ça me prend, je voudrais publier notre échange tel quel sur le site (en retirant votre nom si vous voulez). Ça vous va ?
La fiabilité des évangiles
Pour ma part, à tenter de rester factuel, les manuscrits anciens de Matthieu montrent une grande stabilité. Des variantes mineures existent, mais elles n’altèrent pas les doctrines principales. Matthieu a probablement subi des modifications mineures au fil du temps par des copistes, comme c’est le cas pour la plupart des textes anciens (compte tenu du processus manuel) mais ces changements sont marginaux et bien documentés par les études textuelles modernes. La critique textuelle montre que l’essentiel du texte tel qu’il est transmis aujourd’hui est fiable et qu’on peut reconstruire l’original. Cette transmission est en soi impressionnante et probablement inégalé (des millions de pages écrites manuellement, ce qui montre l’engouement du mouvement).
L’évangile de Matthieu peut être daté avec prudence entre 60 et 90 ap. J.-C. Bien qu’il repose sur des sources multiples (notamment Marc et des traditions orales ou écrites), il n’y a pas de preuve significative de falsification intentionnelle ou de réécritures majeures visant à altérer son contenu fondamental. Si écrit après 70 ap. J.-C. Matthieu aurait pu explicitement faire référence aux conséquences de la destruction du Temple (comme le fait Flavius Josèphe), mais ce n’est pas le cas. Si écrit avant 70 ap. J.-C. l’absence de mention de la destruction de Jérusalem en tant qu’événement accompli pourrait indiquer que l’évangile a été rédigé avant cet événement. Papias (vers 110-140 ap. J.-C.) rapporte que Matthieu a écrit « les logia en hébreu », cela peut désigner une première version ou des sources de Matthieu. Cela implique que l’évangile était connu et utilisé bien avant 110 ap. J.-C.
Matthieu ne mentionne pas explicitement des événements postérieurs à 70 ap. J.-C., comme la persécution généralisée des chrétiens sous Domitien (81-96 ap. J.-C.) ou l’expulsion définitive des chrétiens des synagogues juives (fin du 1ᵉʳ siècle).
Cela suggère au moins une rédaction avant les années 90.
Les évangiles ont été copiés et diffusés rapidement dans tout l’Empire romain et ont atteint des régions éloignées comme l’Asie Mineure, la Grèce, l’Égypte et Rome. Cette diffusion rapide a créé plusieurs lignées textuelles indépendantes. Une fois copiés et envoyés dans différents lieux, les manuscrits étaient hors du contrôle de leurs auteurs initiaux ou de leurs communautés d’origine, rendant impossible une falsification généralisée. Une falsification dans la lignée A serait détectée dans la lignée B et ainsi de suite…
Dès le 2ᵉ siècle, les évangiles ont été traduits dans diverses langues, notamment le latin, le syriaque et le copte. Ces traductions indépendantes témoignent de la stabilité du texte grec originel. Une falsification aurait nécessité de modifier non seulement le texte grec mais aussi toutes les traductions déjà existantes, ce qui était pratiquement impossible. Chaque communauté chrétienne recevait ses propres copies des évangiles. Ces copies étaient utilisées dans le culte et souvent mémorisées. Toute tentative de modification dans une région aurait été détectée par d’autres communautés possédant des versions différentes.
Il existe aujourd’hui environ 5 800 manuscrits grecs du Nouveau Testament ainsi que des milliers de traductions anciennes et citations des Pères de l’Église. Cette abondance de manuscrits permet aux chercheurs de reconstruire avec une grande fiabilité le texte original. Les variations textuelles qui existent sont en majorité mineures (orthographe, style) et n’affectent pas les doctrines essentielles. Dès les premiers siècles, les Pères de l’Église (Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène, etc.) citaient beaucoup les évangiles dans leurs écrits. Ces citations, conservées dans leurs œuvres, servent de témoins indirects envers le texte originel.
La valeur historique des évangiles
Les évangiles ont une valeur historique. Cela me semble être une chose démontrable avec des faits. Les évangiles décrivent des événements, lieux et figures historiques qui sont corroborés par des sources externes.
- Ponce Pilate est mentionné dans les évangiles comme gouverneur romain en Judée (Mt 27:2, Mc 15:1), son existence est confirmée par des inscriptions archéologiques (comme la « Pierre de Pilate » trouvée à Césarée) et par des historiens romains tels que Tacite.
- Les dirigeants Hérode le Grand et Hérode Antipas apparaissent dans les récits de la naissance et de la vie de Jésus. Ils sont bien documentés par Flavius Josèphe.
- La destruction du Temple en 70 ap. J.-C. est prophétisée par Jésus (Mt 24:2, Mc 13:2), cet événement est un fait historique confirmé par des sources juives et romaines.
- Les évangiles décrivent avec précision les pratiques religieuses juives (par exemple, les sacrifices au Temple, le sabbat, les pharisiens et les sadducéens) ou encore les tensions politiques et sociales de l’époque, telles que l’occupation romaine et les attentes messianiques. Ces éléments correspondent aux descriptions trouvées dans d’autres sources juives (comme les écrits de Josèphe et les manuscrits de la mer Morte).
- Les quatre évangiles présentent des récits parfois différents dans les détails mais cohérents dans les faits principaux comme la vie, la crucifixion et la résurrection de Jésus (une caractéristique observable dans les témoignages d’un même événement, par exemple lors d’un accident de la circulation). Bien que les évangiles de Matthieu, Marc et Luc (les synoptiques) partagent une grande partie de leur contenu, Jean offre un point de vue distinct tout en confirmant les grands événements. D’autres sources chrétiennes anciennes, comme les lettres de Paul, confirment des aspects centraux de la vie de Jésus, indépendamment des évangiles.
Des écrivains non chrétiens du 1er et 2e siècles mentionnent Jésus et les premiers chrétiens, ils corroborent certains récits évangéliques :
- Tacite mentionne l’exécution de Christ sous Ponce Pilate et la propagation du christianisme (exactement comme dans le NT). Je ne vois pas comment ne pas l’associer au récit des évangiles. Le contexte historique de la mort de Jésus dans Tacite est intéressant, car il est lié à la fois à Pilate et à Tibère. En plus le passage « Réprimée un instant, cette superstition exécrable se débordait de nouveau » laisse entrevoir la croyance de l’Église primitive en la résurrection de Jésus.
- Bien que certaines interpolations chrétiennes soient suspectées dans Flavius Josèphe, il reconnaît l’existence de Jésus et de ses disciples (et même de Jean Baptiste). Voici un article plus complet à ce sujet.
- Pline le Jeune décrit les pratiques des chrétiens ce qui reflète leurs croyances basées sur les évangiles. Je ne vois pas comment ne pas l’associer à Jésus, à son ministère et à son impact sur les disciples. C’est basiquement l’histoire du christianisme, la croyance en la résurrection, en la divinité du Christ et en la « bonne nouvelle » qui a encouragé l’évangélisme, comme ordonné par Jésus. Les disciples ont prêché ce message en dépit des persécutions extrêmement sévères, ce qui semble attester de leur conviction à l’époque.
Les évangiles contiennent des éléments qui répondent aux critères utilisés par les historiens pour évaluer la fiabilité des textes anciens, comme le « critère d’embarras » (le reniement de Pierre, la crucifixion de Jésus, un supplice réservé aux criminels, perçu comme un signe de malédiction dans le judaïsme (Deut 21:23), le fait que des femmes, dont le témoignage avait peu de poids dans la culture juive de l’époque, soient les premières témoins de la résurrection).
Il y a aussi le critère de discontinuité. Certains enseignements de Jésus, comme l’amour des ennemis (Mt 5:43-44) ou l’importance de pardonner (Mc 11:25), sont sans précédent dans le judaïsme de son époque et marquent une rupture culturelle.
Contrairement à d’autres écrits antiques, les évangiles ne cherchent pas à exalter des figures puissantes ou à promouvoir une idéologie politique dominante. Leur objectif principal était la transmission fidèle des enseignements de Jésus.
Les découvertes archéologiques confirment de nombreux détails des évangiles, par exemple le pavement de Gabbatha où Jésus aurait été jugé (Jn 19:13) ou encore les restes d’une crucifixion (talon percé par un clou) trouvés dans une tombe juive, confirmant la pratique de l’époque.
Il doit y avoir plus de 20 000 manuscrits anciens du nouveau testament, quand nous avons 1800 manuscrits d’Homère, 250 pour Platon et 109 d’Hérodote. L’écart temporel entre les originaux et les premières copies est encore plus parlant. L’Iliade d’Homère a été composée vers 800 av. J.-C. et les plus anciennes copies datent du 2ᵉ siècle av. J.-C., soit un écart de 600 ans. Pour Hérodote la composition est en 430 av. J.-C., les plus anciennes copies datent du 10ᵉ siècle ap. J.-C., soit un écart de 1 300 ans. Pour Platon la composition est en 400 av. J.-C. alors que les premières copies datent du 9ᵉ siècle ap. J.-C., soit un écart de 1 200 ans. L’écart temporel pour le NT est remarquablement court par rapport à d’autres textes antiques, ce qui renforce la fiabilité de sa transmission.
Dans l’Antiquité, il était courant que des événements historiques soient documentés bien après leur occurrence, souvent avec des écarts bien plus longs que ceux des évangiles. Les récits d’Hérodote sur les guerres médiques ont été écrits environ 40 à 50 ans après les événements. Les biographies de Plutarque relatent des faits remontant à plusieurs siècles avant lui. Les Annales de Tacite, écrites au début du 2ᵉ siècle, décrivent des événements du 1ᵉʳ siècle. Par comparaison, les évangiles, écrits 20 à 60 ans après les événements, sont remarquablement proches de la vie de Jésus, surtout pour un contexte antique et de moyen de communication limité.
Au moment de la rédaction des évangiles (60-90 ap. J.-C.), beaucoup de témoins oculaires des événements de la vie de Jésus étaient encore vivants, notamment les apôtres eux-mêmes ou leurs disciples directs ou d’autres personnes ayant connu Jésus, comme les premiers convertis et les membres de sa famille. Ces témoins auraient pu corriger ou contester toute falsification majeure.
Le Nouveau Testament se distingue par un nombre exceptionnel de manuscrits, bien supérieur à tout autre texte antique, mais aussi par une proximité temporelle unique entre les originaux et les premières copies et également une diversité géographique et linguistique qui limite les possibilités de falsification.
Les évangélistes et les premiers témoins avaient une motivation profonde à transmettre fidèlement les enseignements et les événements liés à Jésus. Ils considéraient ces récits comme sacrés et essentiels pour le salut. Toute falsification ou invention aurait été contraire à leur mission de vérité et à leur foi. Les auteurs et les premiers témoins ont subi des persécutions, des emprisonnements et parfois la mort pour avoir transmis ces récits. Il est peu probable qu’ils aient sacrifié leur vie pour des récits qu’ils savaient falsifiés.
Les rabbins juifs, comme Jésus, enseignaient souvent par des formules mémorables (paraboles, aphorismes, répétitions). Elles étaient conçues pour être facilement retenues. Cette transmission orale n’était pas chaotique, mais structurée et collective, ce qui minimisait les risques de déformation. Les récits de la vie de Jésus étaient transmis et partagés dans des contextes communautaires (assemblées, liturgie, catéchèse). La transmission communautaire des récits permettait de limiter les erreurs individuelles et d’assurer une cohérence globale.
Les premières lettres de Paul, rédigées entre 50 et 60 ap. J.-C., témoignent déjà de l’importance de Jésus et de ses enseignements, cela confirme qu’une transmission écrite précoce coexiste avec la tradition orale.
Dans Jean 14:26, Jésus avait promis à ses disciples que le Saint-Esprit leur rappellerait tout ce qu’il leur a enseigné :
« Mais le Consolateur, le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. »
Les apôtres étaient perçus comme les gardiens de la mémoire de Jésus, cela garantissait la fidélité des traditions transmises. La transmission des récits n’était pas laissée à une seule personne, mais s’effectuait dans un cadre collectif. Cela diminuait les risques de déformation.
Notons encore comme les ennemis de Jésus ont reconnu le fait de la tombe vide en accusant les apôtres d’avoir volé le corps.
La section juive plutôt que le christianisme
Concernant votre argument que dans l’évangile de Matthieu « il ne s’agit pas de christianisme » mais plutôt d’une « secte juive », j’aimerais que vous m’expliquiez ce que vous entendez par « christianisme ». Aussi il me semble que ce terrain est davantage théologique qu’historique car la directive de Jésus à ce moment précis de son ministère reflète un plan divin méthodique et progressif. Jésus s’inscrit dans l’histoire de l’alliance entre Dieu et Israël. Les prophètes de l’AT annonçaient que le Messie viendrait d’abord pour restaurer Israël, considéré comme le peuple élu (Gen 12:3, És 49:6). En ciblant les « brebis perdues de la maison d’Israël », Jésus a respecté cette priorité théologique, c’est-à-dire que la restauration spirituelle d’Israël devait précéder l’ouverture du salut aux nations.
Dans le passage que vous citez, Jésus initie un plan graduel qui aboutira à l’inclusion des non-Juifs dans l’Église. Sa mission terrestre se concentre principalement sur Israël, mais il annonce déjà l’élargissement de cette mission après sa résurrection (Matthieu 28:19-20). L’instruction à ne pas aller vers les non-Juifs à ce stade reflète cette progression dans l’histoire du salut. Depuis Genèse 12 on comprend que le salut viendra d’Abraham via Isaac et qu’il s’étendra aux nations. Le salut vient des juifs comme Jésus le dit dans Jean 4:22.
Dans l’Ancien Testament, Israël est appelé à être une « lumière pour les nations » (Ésaïe 42:6). Le fait que Jésus a commencé avec Israël semble logique, les juifs étaient en principe préparés à recevoir le Messie et pas les païens. Il n’y a aucune raison de penser que l’évangile de Matthieu « s’il agissait de christianisme » aurait dû viser d’entrée de jeu, aussi bien les juifs que les païens. Jésus a préparé son peuple à jouer son rôle dans le témoignage universel. Les disciples eux-mêmes devaient d’abord comprendre et expérimenter le message du Royaume au sein de leur propre communauté avant de le transmettre aux nations.
Il y a d’autres arguments. Les relations entre Juifs, Samaritains et païens étaient marquées par une forte hostilité. Jésus a réduit les obstacles culturels en envoyant d’abord ses disciples vers Israël. Il a préparé ses disciples à surmonter leurs propres préjugés et leur a enseigné plus tard à aller vers tous les peuples, comme démontré dans l’exemple du centurion romain (Mt 8:10-12) ou de la femme samaritaine (Jn 4:1-42).
Israël était décrit comme « perdu » à cause de son éloignement spirituel. Jésus a voulu appeler ce peuple à se repentir et à reconnaître en lui le Messie promis (encore une fois auquel les païens ne s’attendaient pas puisque même s’ils devaient être également des bénéficiaires selon Genèse 12, le message avait été transmis au peuple juif qui devait être lumière des nations et ainsi attirer les autres nations au salut).
La priorité donnée à Israël a respecté l’ordre de l’alliance, préparé le terrain pour une mission universelle, et rappelé à Israël sa vocation spéciale. Cette séquence montre que le salut en Christ était d’abord offert à son propre peuple (ce qui est une logique vétérotestamentaire), mais qu’il devait s’étendre ensuite à toutes les nations pour réaliser pleinement les promesses de Dieu à Abraham.
Bien à vous,
Anthony
John
Ok pour la publication. Pour le nom je préfère qu’il ne paraisse pas. Le climat actuel étant plutôt intolérant. Il me semble préférable de rester sur un échange entre personnes privilégiant l’argumentation.
Bien sûr je vais reprendre votre analyse qui me semble riche et précise. Encore une fois je ne cherche pas à opposer un contre argumentaire systématique, mais à ramener l’analyse à ce qu’on sait vraiment en évitant une démarche trop spéculative.
cordialement
John
Bonjour Anthony,
Je cherche a garder une démarche la plus neutre possible, mais en tant qu’athée vous comprendrez que déjà j’exclus le miraculeux et le mystique dans les textes. Je ne suis aussi ni polémiste ni négationniste. Je vais répondre par séquences en plusieurs temps à votre analyse :
- Je n’évoque ce passage de Matthieu 10 que pour montrer sa continuité dans la religion juive de l’époque.
- e me réfère principalement aux mouvements eschatologiques du premier siècle, Esséniens, Zélotes baptistes. Le judaïsme apocalyptique existe déjà annonçant la venue d’un messie la fin des temps et la résurrection des morts.
Donc, toutes les bases sont déjà là avec ou sans Jésus.
- Les évangiles dit « canoniques » sont le fruit d’une sélection au concile de Nicée (On y reviendra) Ils éliminent la plupart des autres textes les « gnoses et les apocryphes ». Ils ont été remaniés pour les faire coller avec le syncrétisme du christianisme naissant : religion juive – philosophie grec. Elimination de l’arianisme notamment et des « hérésies ».
- Hors il est factuellement impossible que le passage 28 -18 soit à l’origine du texte. C’est en totale contradiction avec l’état de la croyance au premier siècle. Il a été réécrit bien plus tard par l’église. (Un jésuite théologien me l’avait confirmé il y a longtemps).
- Hors là, je le reconnais on touche à la foi. Est-ce qu’un prophète du premier siècle aurait pu tenir de pareils propos alors qu’il disait le contraire peu de temps avant ? Pour moi cela me parait impossible en regard au contexte de l’époque. Mais bien sûr c’est chez moi du pur rationalisme, on ne peut prouver toutes les réécritures et interpolations. Foi et rationalisme ici ne peuvent se rejoindre j’en ai conscience.
Je vous enverrais d’autres éléments plus tard je ne veux pas submerger le débat.
Bien cordialement,
Anthony
Bonjour John,
Voici quelques articles en lien avec les sujets que vous soulevez :
- https://questcequelaverite.com/le-texte-original-du-nouveau-testament-est-il-perdu-peut-on-le-reconstruire/
- https://questcequelaverite.com/comment-le-canon-du-nouveau-testament-sest-il-forme/
- https://questcequelaverite.com/quand-ont-ete-ecrits-les-apocryphes-de-lepoque-neo-testamentaire-et-quelle-est-leur-valeur/
- https://questcequelaverite.com/que-penser-des-apocryphes-du-nouveau-testament-devraient-ils-etre-pris-en-compte/
Bonne journée,
Anthony
John
Bonjour Anthony,
Merci pour ces liens,
Je connais ces analyses. Il est difficile cependant de considérer ces textes tardifs comme preuves historiques, surtout lorsqu’on sait comment le concile de Nicée à réécrit l’histoire du christianisme au quatrième siècle.
L’enjeu pour l’église a été de faire croire à la naissance d’une nouvelle religion à partir d’un messie qui aurait enseigné une croyance nouvelle à caractère universelle. Pour cela il était nécessaire de faire remonter les évangiles le plus loin possible et aussi de faire admettre une continuée historique dès le début du premier siècle.
Hors l’étude des sources montre que le messianisme apocalyptique existait déjà au premier siècle dans de nombreuses communautés. A l’origine Tout ces mouvements restent dans la religion juives et exclus les païens. Le christianisme naissant ne fait pas exception et il ne s’universalise qu’à la fin du premier siècle sous l’influence du monde grec comme le montre les écrits pauliniens. Pour le chercheur Armand Abecassis il est très clair sur ce sujet :
https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/armand-abecassis-qui-etait-jesus-pour-les-juifs-20191129
Jésus était né juif, d’une mère juive, était fidèle à la Loi, était appelé rabbin, il célèbre Pessah lors du dernier repas. La judéité du Christ a-t-elle été oubliée?
Comme je l’écris dans mon livre les évangiles confondent immédiatement Jésus et le Christ, fils de Dieu dès le ventre de sa mère. C’est pourquoi, Jésus le juif religieux, né juif et observant les rites tout au long de sa vie fut christianisé par les théologiens de l’Église. Jésus n’a jamais lu et reçu que la Torah ; il priait dans la synagogue et il y prenait la parole pour interpréter le texte biblique le chabbat. Quand il citait l’Écriture sainte il s’agissait du Pentateuque, des livres prophétiques et des Psaumes comme tous ses coreligionnaires. Il enseignait qu’il était venu pour les brebis égarées, c’est-à-dire pour ses contemporains juifs infidèles à leur alliance avec Dieu. Les Païens ne faisaient pas partie du «troupeau». N’oublions pas que le Nouveau Testament ne fut constitué qu’au cours du IIe siècle à partir de plusieurs évangiles.
Donc c’est très évident le christianisme que nous connaissons a été créé tardivement par l’église. Le dogme a été entièrement réécrit et n’a rien à voir le les premiers chrétiens. il est le fruit d’une lente évolution empruntant à de nombreux courants, mythes, et philosophies pour arriver à un dogme universaliste inexistant à l’origine. La figure de Jésus a été christianisé tardivement, il s’agissait d’un prêcheur juif exorciste et guérisseur qui ne sortait pas de sa religion. Hors de ce personnage nous ne savons à peu prêt rien.
Ces affirmations s’appuient sur un faisceaux de sources concordantes et notamment de gnoses, d’apocryphes et « d’hérésies » de courants saducéens, Zélotes, Baptistes, esséniens, etc soigneusement passé sous silence.
Cordialement à vous
Anthony
John, vous raisonnez à partir d’un logiciel limité, il faut tenir compte des arguments et sortir de votre zone de confort si vraiment une quête de vérité vous anime.
Sur le judaïsme de Jésus
Pourquoi insister que Jésus était un juif banal en parfaite harmonie avec la théologie des juifs du premier siècle ? Il semble au contraire avoir condamné ces juifs du premier siècle, qui le lui ont bien rendu. La théologie de Jésus est à considérer à la lumière de l’Ancien Testament (dont le plan de salut est clair : il concerne aussi bien les juifs que les païens dans un ordre bien précis) et non à la lumière du judaïsme dévoyé du premier siècle que Jésus condamnait. Paul explique aussi dans Romains 11 le plan du salut biblique.
Retirer arbitrairement Matthieu 28 ne va pas aider votre démonstration car il y a beaucoup d’autres passages où la logique du salut ouvert aux païens est observable, partout dans les 4 évangiles et dans l’ancien testament comme déjà évoqué. Il faut autrement proposer des manuscrits anciens où tous ces passages universels étaient manquants afin qu’on puisse établir les ajouts et modifications ultérieures que vous professez. Il faut présenter des preuves, des faits, des sources, des démonstrations de corruption ou d’invention, car il est facile de faire des déclarations et de dire rouge quand l’autre a dit bleu.
Je débats depuis plus de 10 ans sur ces sujets, je sais m’arrêter quand je vois que la personne n’est pas constructive et souhaite confirmer une position de départ coûte que coûte. Je vais observer encore un peu votre attitude.
Armand Abecassis 1
Concernant Armand Abecassis, nous pouvons trouver tous les deux plusieurs experts qui se prononceront de manière différente. Les citer les uns après les autres ne va pas nous aider à solutionner la question de l’historicité de Jésus. Il faut présenter des faits et des sources historiques pour soutenir des déclarations.
La déclaration d’Abecassis est contestable en de nombreux points :
« Comme je l’écris dans mon livre les évangiles confondent immédiatement Jésus et le Christ, fils de Dieu dès le ventre de sa mère. C’est pourquoi, Jésus le juif religieux, né juif et observant les rites tout au long de sa vie fut christianisé par les théologiens de l’Église. Jésus n’a jamais lu et reçu que la Torah ; il priait dans la synagogue et il y prenait la parole pour interpréter le texte biblique le chabbat. »
Le NT présente un seul Jésus qui remplit la fonction de Christ du début à la fin, il n’y a aucune confusion. Quand, comment et qui a christianisé Jésus ?
N’est-ce pas Jésus qui a fait naître le christianisme en générant des disciples qui ont prêché son message jusqu’à leur mort ? Le terme « chrétien » trouve son origine dans le NT, où il est utilisé pour la première fois dans le livre des Actes des Apôtres. Il signifie littéralement « partisan du Christ » ou « disciple de Christ ». Le terme a été utilisé par des non-chrétiens pour désigner les disciples de Jésus (à Antioche dans l’actuelle Turquie).
Dans Actes 26:28 on lit :
Le roi Agrippa dit à Paul : « Encore un peu, et tu me persuaderas de devenir chrétien ! »
Le roi Agrippa II a vécu entre 27 et 93 ap J-C, la scène en question avec l’apôtre Paul se situe vers 59-60, il était déjà question de chrétiens à cette époque là.
La scène d’Actes 11:26, où les disciples sont pour la première fois appelés « chrétiens » à Antioche est datée autour de 43-44 ap. J.-C. Les premiers disciples se désignaient avant tout comme des « disciples », « frères », ou membres de « la Voie » (Actes 9:2). Ils ont cependant progressivement accepté le terme « chrétien » comme une désignation de leur identité en Christ. Antioche était une ville où les premières communautés chrétiennes incluaient à la fois des Juifs et des païens convertis. L’usage du terme « chrétien » reflète probablement le besoin de distinguer ce groupe religieux des autres communautés juives ou païennes. Nous sommes ici au début du christianisme, qui n’est que le judaïsme universel de l’ancien testament, mais qui n’était pas pratiqué par les juifs qui ont rejeté Jésus.
Les Actes des Apôtres et les lettres de Paul sont solidement ancrés dans l’histoire des années 40 et 50 ap. J.-C.. Cette datation est établie à partir de plusieurs éléments convergents, tels que des références historiques, des personnages contemporains, des synchronisations avec des événements connus, et des indices internes aux textes:
- Ponce Pilate (Actes 4:27)
- Hérode Agrippa I (Actes 12:1-23)
- Gallion (Actes 18:12-17)
- Porcius Festus (Actes 24-26)
- Famine sous l’empereur Claude (Actes 11:28)
- Édit de Claude expulsant les Juifs de Rome (Actes 18:2)
- Références au Temple
- Flavius Josèphe qui confirme des événements comme la mort d’Agrippa I et les troubles sous Claude.
- Des découvertes archéologiques, comme l’inscription de Gallion à Delphes, corroborent des détails des Actes.
Les communautés chrétiennes du 2ᵉ siècle n’auraient pas eu accès à ces détails précis, surtout dans un monde où la communication et la documentation historique étaient limitées. Elles n’auraient pas pu inventer les nombreux détails historiques présents dans les Évangiles canoniques. Ces détails sont bien enracinés dans la réalité sociale, politique, et géographique du 1ᵉʳ siècle en Palestine.
Il n’y a donc pas eu de christianisation de Jésus mais une christianisation des juifs qui se convertissaient à Jésus dans les années 30 et 40.
Armand Abecassis 2
Abecassis dit :
« Quand il citait l’Écriture sainte il s’agissait du Pentateuque, des livres prophétiques et des Psaumes comme tous ses coreligionnaires. Il enseignait qu’il était venu pour les brebis égarées, c’est-à-dire pour ses contemporains juifs infidèles à leur alliance avec Dieu. Les Païens ne faisaient pas partie du «troupeau». N’oublions pas que le Nouveau Testament ne fut constitué qu’au cours du IIe siècle à partir de plusieurs évangiles. »
Je comprends que votre position provient probablement de votre lecture d’Armand Abecassis, je vous invite à lire Gary Habermas, Daniel Wallace, Craig Evans et vous aurez accès à d’autres explications.
Les livres de l’AT cités par Abecassis démontrent justement la portée universelle du salut. Abecassis semble baser tout son raisonnement sur le judaïsme dévoyé de l’époque de Jésus, nonobstant le judaïsme biblique qui est pourtant la référence. Le christianisme n’a pas inventé le salut pour les païens puisqu’il en était déjà question des millénaires avant. Jésus n’a pas inventé non plus le « salut pour tous » puisque tout était écrit dans le pentateuque, les psaumes etc… Il a tout juste accompli ce qui était écrit.
Jean 10
Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire, qui n’est pas le berger, et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit venir le loup, abandonne les brebis, et prend la fuite; et le loup les ravit et les disperse. Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se met point en peine des brebis. Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et elles me connaissent, comme le Père me connaît et comme je connais le Père; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là, il faut que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger.
Esaïe 49 : 6
Il dit : C’est peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d’Israël ; je t’établis pour être la lumière des nations, pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre.
La constitution du NT
Enfin le NT a été « assemblé » ou « compilé » au 2ème siècle mais pas « rédigé ». Les livres circulaient au premier siècle individuellement. Les chrétiens n’ont fait que les mettre ensemble. Je vous renvoie à mes quatre articles de ce matin qui explorent la constitution du canon en profondeur avec des sources historiques (et que je remets en bas de ce message).
Le « christianisme » de Matthieu
De manière plutôt cocasse, le plus ancien manuscrit de Matthieu (le Papyrus 104) qui date de 150-250 ap. J.-C. contient les versets suivants du chapitre 21 (34-37, 43, 45):
- 34 Lorsque le temps de la récolte fut arrivé, il envoya ses serviteurs vers les vignerons, pour recevoir le produit de sa vigne.
- 35 Les vignerons, s’étant saisis de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et lapidèrent le troisième.
- 36 Il envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers; et les vignerons les traitèrent de la même manière.
- 37 Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant: Ils auront du respect pour mon fils.
- 38 Mais, quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux: Voici l’héritier; venez, tuons-le, et emparons-nous de son héritage.
- 39 Et ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne, et le tuèrent.
- 40 Maintenant, lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons?
- 41 Ils lui répondirent: Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en donneront le produit au temps de la récolte.
- 42 Jésus leur dit: N’avez-vous jamais lu dans les Écritures: La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient Est devenue la principale de l’angle; C’est du Seigneur que cela est venu, Et c’est un prodige à nos yeux?
- 43 C’est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits.
- 44 Celui qui tombera sur cette pierre s’y brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé.
- 45 Après avoir entendu ses paraboles, les principaux sacrificateurs et les pharisiens comprirent que c’était d’eux que Jésus parlait,
Le fragment contient des passages centraux sur le jugement de Dieu envers Israël et l’ouverture du Royaume à d’autres (une allusion à l’intégration des païens dans le plan de salut). De plus Clément de Rome (fin du 1ᵉʳ siècle) cite Matthieu 21 dans sa lettre aux corinthiens (1 Clément 13:1-4) comme Justin Martyr au milieu du 2ᵉ siècle (Dialogue avec Tryphon 135-140 ap. J.-C.).
Ignace d’Antioche, dans ses lettres (vers 110 ap. J.-C.), fait allusion à la mission universelle de l’Église et semble s’inspirer de Matthieu 28:19-20. Justin fait explicitement référence à Jésus qui a envoyé ses disciples prêcher à toutes les nations.
Disposeriez-vous de preuves démontrant que le texte de Matthieu, d’abord, dans votre hypothèse, uniquement centré vers les juifs, a été modifié de manière significative pour inclure les païens ?
Au final l’inclusion des païens dans le plan de salut et dans le ministère du Messie n’est-elle pas juste la continuité de ce qui était annoncé dans l’ancien testament dont la rédaction précède de plusieurs siècles le nouveau ? L’hypothèse la plus crédible n’est-elle pas que Jésus était en harmonie avec l’enseignement de l’AT qu’il citait constamment (selon Abecassis même) ?
Bien cordialement,
John
Bonjour Anthony,
Le problème avec un agnostique ou un athée c’est que l’on ne peut pas utiliser des textes de la foi réécrits tardivement par l’église comme argument. Les historiens croyants ou non le savent bien, ils cherchent à établir sinon des preuves au moins un faisceaux d’indices solides et concordants. C’est là que les problèmes commencent. On peut croire si on a la foi en un personnage ressuscitant faisant des miracles chassant les mauvais esprits, marchant sur l’eau, mais pas un esprit rationnel. Mon rejet n’est pas un à priori dogmatique et obtue, mais le constat que nous sommes dans une pure mythologie élaboré en plein obscurantisme eschatologique et sans vérification.
Ainsi pour employer de grands mots nous avons besoin d’une épistémologie crédible pour évaluer nos connaissances du début du premier siècle en Palestine en dehors des textes sacrés ,car pour moi l’approche des textes religieux posent de nombreux problèmes de crédibilités :
- Écrits largement postérieurs aux événements (40-100 ans après)
- Sources essentiellement apologétiques et non historiques
- Forte dimension théologique et prosélyte
- Manuscrits copiés et recopiés, donc potentiellement altérés
- Absence de sources contemporaines directes
- Sources extra-chrétiennes très limitées :
- Brèves mentions de Tacite et Flavius Josèphe
- Références très courtes et indirectes
- Peu de détails historiques vérifiables
- Datation des textes contestée par de nombreux historiens critiques
- Absence de preuves archéologiques directes
- Risque de reconstruction mythologique
- Difficultés de distinguer faits historiques et narration religieuse
Et après le Concile de Nicée :
- Projet missionnaire et universaliste
- Volonté d’évangélisation massive (Ce qui me fait douter de la fin de l’Evangile de Saint Matthieu qui semble être une interpolation évidente)
- Conversion comme objectif stratégique
- Dimension politique et impériale du christianisme
- Standardisation doctrinale
- Utilisation du pouvoir politique pour se répandre
Nous sommes obligés pour avancer d’utiliser une méthode simple : le doute et la vérification des sources. Là encore les faisceaux de présomptions contredisent votre approche. Si vous aviez raison nous aurions dû posséder des traces chrétiennes beaucoup plus tôt. Pour Tacite, Pline et Suétone il s’agit sans autre précision de désigner de façon péjorative des groupes juifs dissidents appelés « chrétiens ». Flavius Joseph n’est pas non plus crédible car il a pu reprendre des récits juifs messianiques à Rome à la fin du premier siècle sans vérifications évidemment et certain de ces textes sont interpolés par l’Eglise. Hors ce début de premier siècle ne laisse aucune trace chrétienne ni archéologique ni textuels. Rien dans les textes tardifs des ésseniens, rien dan Philon d’Alexandrie rien dans les auteurs du début du premier siècle, rien non plus du côté des autorités romaine. Aucune sépulture chrétienne avant le troisième siècle. Seul le messianisme juif domine à cette époque et la Flavius Joseph est très précis. Le terme grec « Christ » n’est jamais employé avant la fin du premier siècle. la version « Christique » de Jésus a eu gain de cause tardivement en éliminant toutes les autres approches messianiques au concile de Nicée. C’est bien là une reconstruction tardive de l’église naissante de Constantin.
Pour finir, oui je suis d’accord avec vous, je pense qu’on a fait un échange amical et fructueux et je ne m’attendais pas à un rapprochement de nos points de vues. Il me semble aussi qu’on a fait le tour de ce que nous pouvions dire. J’ai pour ma part apprécié vos arguments et votre investissement même si nos positions restent très éloignées.
Cordialement à vous,
Anthony
Bonjour John,
Le problème que vous soulignez par rapport aux agnostiques et aux athées est bien réel et il est à leur détriment. En écartant dès le départ des hypothèses pour des raisons philosophiques, ils se privent potentiellement de la vérité. Quand on écarte des pistes dès le départ, on prend le risque de passer à côté du fil de la vérité.
Ce que l’histoire peut nous dire
L’histoire peut consigner des miracles. Un historien peut indiquer avoir vu Jésus mourir et l’avoir vu ressusciter, sans avoir besoin d’expliquer comment et pourquoi. Il ne faut pas partir du principe que les évangiles sont des textes religieux mensongers, du moins lorsqu’on est en quête de vérité.
Plusieurs éléments du ministère de Jésus, sa crucifixion ou sa résurrection sont observables dans des écrits non chrétiens de manière explicite ou implicite. Les écrits chrétiens en eux-mêmes sont des témoignages, mais l’axiome « puisque c’est chrétien ça n’a pas de valeur » altère l’examen des preuves.
Il est un peu normal que des juifs parlent de la seconde guerre mondiale et que les descendants des incas n’en parlent pas. Ce sont les concernés qui écrivent, il ne faut pas les priver de leur droit de parole ou indiquer que parce qu’ils sont impliqués, ils mentent nécessairement.
Les athées en demandent beaucoup à cette époque du premier siècle (pourtant limité en termes de communication) et encore plus au nouveau testament. Alors qu’aucune œuvre de l’antiquité ne lui arrive à la cheville en termes de nombre de manuscrits et de proximité entre l’original et la copie
Les sources historiques sur Jésus
Tacite (55-120 ap. J.-C.), historien romain dont nous avons parlé, a écrit :
« Christus, de qui le nom des chrétiens provient, fut mis à mort sous le règne de Tibère par le procurateur Ponce Pilate.«
Marc 15 : 1-2
Dès le matin, les principaux sacrificateurs tinrent conseil avec les anciens et les scribes, et tout le sanhédrin. Après avoir lié Jésus, ils l’emmenèrent, et le livrèrent à Pilate. Pilate l’interrogea: Es-tu le roi des Juifs? Jésus lui répondit: Tu le dis.
Suétone (Vie de Claude, 25:4), autre historien romain (69-122 ap. J.-C.) a écrit :
« Claude expulsa de Rome les Juifs qui causaient des troubles incessants à l’instigation de Chrestus.«
Actes 18 : 1-2
Après cela, Paul partit d’Athènes, et se rendit à Corinthe. Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé d’Italie avec sa femme Priscille, parce que Claude avait ordonné à tous les Juifs de sortir de Rome.
Dans les 150 ans qui suivent la vie de Jésus il y a 43 sources sur Jésus, seulement 10 sur Tibère (empereur de son époque), mais on trouve cela insuffisant ou sinon on postule une machination de grande ampleur qui aurait tout falsifié, aussi bien le NT que les écrits non chrétiens, sans qu’on puisse établir et démontrer l’ampleur de ces modifications.
Des milliers de manuscrits, voire des dizaines de milliers, répartis dans le monde et séparés durant des siècles les uns des autres, tous disent la même chose sur l’histoire de Jésus mais, sans manuscrits à l’appui, certains indiquent que la « vraie histoire » est totalement différente.
La précocité des écrits
Les écrits ne sont pas largement postérieurs aux événements. Les écrits de Paul, reprenant des sources des années 30, commencent dans les années 40. Les évangiles entre les années 60 et 90, à l’époque des témoins oculaires. Cette critique revient à dire qu’un livre écrit en 1970 sur la 2ème guerre mondiale n’a aucune valeur historique. Ce qui compte c’est d’être à l’époque des témoins oculaires.
Les sources chrétiennes sont des sources historiques, même s’il y a une contenance apologétique, l’un n’empêche pas l’autre. Les archéologues non chrétiens qui étudient cette région, travaillent avec le Nouveau Testament, riche en repères géographiques, culturelles, historiques et autres, cela démontre le contenu historique. Ce n’est pas le cas avec les apocryphes. Les accusations doivent être soutenues et non gratuites.
La forte dimension théologique ne rime pas nécessairement avec une histoire falsifiée ou inventée.
Le médium historique
Les manuscrits ont été recopiés mais les experts de la critique textuelle savent reconstruire l’original à partir des milliers de manuscrits anciens, les scribes n’ont pas fait les mêmes erreurs, on peut donc comparer et reconstruire. Mais par quel moyen à l’époque pouvait-on transmettre des informations si ce n’est par écrit et recopie ? Selon vous, le fait qu’il s’agit de manuscrits copiés disqualifie le nouveau testament, cela ne devrait-il pas disqualifier tous les livres de l’histoire qui nous sont tous parvenus avec le même processus et avec une efficacité et une conservation largement moindre à celle du nouveau testament ?
Ce que vous dites c’est que vous ne croyez pas pour des raisons philosophiques à ces écrits anciens. Sans vouloir vous offenser, je n’y vois pas de base factuelle. « Je suis athée donc je n’y crois pas ». La conclusion est atteinte avant l’enquête.
Les livres du NT ont été écrits par 12 ou 13 auteurs indépendants (compilé plus tard au 2ème siècle), ce sont des sources contemporaines indépendantes en plus d’autres éléments déjà cités et d’autres moins connus comme Thallus.
On pourrait aussi parler de l’inscription de Nazareth et de l’ossuaire de Jacques pour ce qui est de l’archéologie. Il y aussi l’inscription dans la grotte de Beit Loya (fin du 2ème).
L’absence de Jésus chez certains auteurs
On ne peut pas d’un côté ignorer les sources chrétiennes et non chrétiennes sur Jésus et d’un autre côté pointer son absence dans d’autres sources. Il y a ici un biais philosophique qui s’exprime. On ne veut pas le voir où il est mais on veut le voir là où il n’est pas.
Philon d’Alexandrie
Maintenant je peux dire un mot sur Philon d’Alexandrie car ce dernier est souvent utilisé hâtivement dans le débat par des personnes peu informées (je ne parle pas pour vous).
Il a vécu entre 20 av J-C et 50 ap. J-C, c’est un philosophe juif alexandrin qui s’intéressait à l’interprétation allégorique de la Torah et aux relations entre le judaïsme et la philosophie grecque. Il ne mentionne pas Jésus c’est vrai et cela s’explique assez facilement. Il vivait en Égypte, à Alexandrie, loin de la Judée où Jésus a exercé son ministère. Jésus était considéré durant sa vie comme un prédicateur itinérant, principalement actif en Galilée et en Judée. Son impact, bien que significatif pour ses disciples, n’était pas encore mondialement connu de son vivant. Philon se concentrait sur l’interprétation philosophique et théologique des Écritures juives et non sur des événements contemporains ou des prédicateurs charismatiques.
Philon ne mentionne pas non plus Jean-Baptiste, pourtant une figure importante du judaïsme de l’époque (attesté notamment dans Flavius Josèphe), ni les nombreux autres prétendants messianiques ou chefs de rébellion actifs en Judée au 1ᵉʳ siècle. Cela montre que son silence sur Jésus n’est pas exceptionnel mais conforme à son approche centrée sur la philosophie et les affaires juives locales.
Les autorités romaines
Concernant les autorités romaines, encore une fois Jésus, durant son ministère, était perçu comme un prédicateur marginal dans une région éloignée de l’Empire romain. À l’échelle impériale, ses activités n’attiraient pas l’attention de Rome. Il a été crucifié comme un criminel parmi des milliers d’autres sous Ponce Pilate, un événement qui bien qu’important pour ses disciples, était banal pour les autorités romaines. Les Romains documentaient rarement les exécutions de prisonniers ordinaires surtout dans une province périphérique comme la Judée.
Si les auteurs romains comme Tacite ou Suétone mentionnent par la suite Jésus, c’est en partie parce que le christianisme avait entre-temps gagné en importance et était devenu un phénomène notable dans l’Empire. Le christianisme s’est développé dans les années 30 et il a fallu quelques années pour que les jambes des apôtres et leurs prêches remuent l’Empire Romain.
L’impact durable du christianisme, né en Judée et devenu une force mondiale en quelques décennies, témoigne de l’importance historique de Jésus. Pas de fumée sans feu.
Le Concile de Nicée
Enfin le Concile de Nicée n’a eu aucun impact sur le canon du Nouveau Testament, Abecassis lui-même, semble, dans ses écrits indiquer que le NT a été constitué au 2ème siècle. Il est temps de mettre de côté ces fausses idées et de ne pas juger le christianisme des premiers siècles sur la base du christianisme des siècles ultérieurs. Il faut considérer les nombreuses preuves du christianisme primitif.
La capacité « factuelle » de Jésus à prédire l’avenir
Mt 24 : 14
Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin.
Jn 12 : 32
Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi.
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Merci pour ce débat et le ton respectueux malgré les désaccords profonds,
Anthony
John
Merci Anthony,
Pour moi évidement le respect de l’interlocuteur va de paire avec un débat sans concession
Maintenant évidement si vous me demandez de croire en l’irrationnel le débat est forcé de s’arrêter car nous devrions admettre tout et n’importe quoi. Alors que ces croyances sont issues de période obscurantistee et intolérantes. Donc il nous faudrait admettre le créationnisme? Le paradis terrestre? Jésus marchand sur l’eau et ressuscitant les morts et lui même? Que Galilée avait tord et que le soleil tourne autour de la terre . En fait nier tous les acquis des lumières et croire en la terre plate également ? Donc aussi admettre les fakes news et autres vérités alternatives?
cordialement
John
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